Reinholdt, Claus: Der frühbronzezeitliche Schmuckhortfund von Kap Kolonna. Ägina und die Ägäis im
Goldzeitalter des 3. Jahrtausends v. Chr.
145 S., 32 Taf.; 30,5x23,5 cm. broschiert
ISBN 13: 978-3-7001-3948-5 - 41,20 Euro
(Verlag der österreichischen Akademie der Wissenschaften, Wien 2008)
 
Compte rendu par Laetitia Phialon
 
Nombre de mots : 1907 mots
Publié en ligne le 2010-06-22
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=955
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          L’ouvrage de Claus Reinholdt est consacré au trésor mis au jour dans l’habitat préhistorique du cap Kolonna d’Égine. La genèse de cette étude s’inscrit dans le cadre des travaux repris depuis 1993 par l’Université de Salzbourg sur la « Ville préhistorique » de Kolonna.

 

          Les bijoux et éléments de parure qui constituent ce trésor sont décrits et comparés à des pièces égéennes, orientales et balkaniques. L’auteur étend son enquête du Chalcolithique au début de l’Helladique Récent, c’est-à-dire de la fin du IVe millénaire au XVIe siècle av. J.-C. Cette recherche met en lumière l’influence orientale sur le domaine de la toreutique égéenne. Elle illustre également l’existence de contacts, certes indirects, entre Kolonna d’Égine au Bronze Ancien et les civilisations d’Anatolie et de Mésopotamie. Le résumé de ce livre (http://epub.oeaw.ac.at/3948-5) et un forum de discussion (AEGEANET [majordomo@acpub.duke.edu]) sont mis à disposition des lecteurs.

 

          L’ouvrage publié dans la série Ägina-Kolonna de l’Académie des sciences autrichienne (Österreichische Akademie der Wissenschaften) est composé de trois parties principales.

 

– La première partie (pp. 13-97), à savoir l’essentiel de l’ouvrage de C. Reinholdt, traite du dépôt et des éléments qui le constituent.

 

– En deuxième partie intervient le rapport sur les analyses chimiques du matériel  effectuées au Musée archéologique du Pirée (spectrométrie de fluorescence X), une contribution de A.G. Karydas et Ch. Zarkadas (pp. 99-104).

 

– La troisième partie correspond au catalogue des pièces (pp. 105-110) établi par C. Reinholdt, qui comprend 58 entrées.

 

          Il convient donc de présenter plus en détail les informations livrées dans la première partie de l’ouvrage. Les éléments de parure en métal précieux (or, argent), en pierres semi-précieuses (cornaline, cristal de roche) ou en pâte de verre (ou fritte) forment un assemblage varié, constitué de pendants, d’épingles et d’un bracelet ainsi que de perles. Outre le catalogue, la liste des pièces est fournie à la page 14 de l’ouvrage. Le dépôt même et les éléments de parure qui le constituent sont illustrés par des planches en couleur, de haute qualité.

 

          Tout au long de sa recherche, C. Reinholdt s’emploie à établir des parallèles avec le monde égéen et les civilisations orientales. Cette méthode traditionnelle est tout à fait pertinente puisqu’elle s’effectue à différentes étapes de description et d’interprétation.

 

          Le contexte de découverte est tout d’abord décrit. Les éléments de parure ont été découverts groupés sous le sol revêtu de calcaire blanc de la « maison 19 », comme il est mentionné à la page 13 de l’ouvrage. L’auteur renvoie à l’article de F. Felten et S. Hiller, dans lequel le contexte du dépôt associé à la destruction de la ville V n’est toutefois guère décrit (voir Felten et Hiller 2004, p. 1092). Le dépôt n’est clairement daté de l’Helladique Ancien par C. Reinholdt qu’à partir de la page 23 de l’ouvrage. On apprend ensuite, à la page 25, que le trésor a été découvert dans un contexte de l’Helladique Ancien III, c’est-à-dire de la fin du IIIe millénaire. Cependant, il faut se reporter au chapitre E, qui débute à la page 68, pour recueillir plus d’informations sur le contexte. Là, on apprend que l’auteur, comme F. Felten et S. Hiller, associe le trésor à la Ville V d’Égine, dont le niveau s’est achevé par une importante destruction, datée de l’HA III (voir aussi Gauss et Smetana 2004, pl. 8.2, 9 - céramique de phase 2). Il faudrait toutefois expliquer pourquoi sur la planche 3 de l’article de F. Felten et S. Hiller, contribution au même ouvrage (2004), le sol blanc appartient à la maison HA II de l’aire 18/19, alors que le niveau de construction HA III n’est pas associé à un sol, afin que ces données correspondent à celles de C. Reinholdt. Ce n’est que sur la base d’informations fournies par les fouilleurs que ce point qui pose problème pourra être résolu.

 

          Le bon état de conservation du dépôt, bien que les éléments de parure en argent soient très corrodés, permet à C. Reinholdt de démontrer que les épingles en or, longues de 33 cm environ, ce qui suppose une fabrication particulièrement longue, point qui est discuté plus loin à la page 45, ont été partiellement déformées. Le tout a probablement été introduit dans un sac de matière périssable. Cette déformation avait ainsi pour but de donner une forme optimale au dépôt. Une réutilisation des épingles est envisagée par l’auteur, qui mentionne en comparaison l’épingle à tête d’antilope du trésor Thyreatis à Berlin, dont la tige a été redressée. Le dépôt de Kolonna d’Égine constitue donc un trésor au sens propre du terme, qui, en outre, a été découvert in situ, contrairement au trésor Thyreatis et au trésor d’Égine, conservé au British Museum.

 

          Ensuite, l’auteur se penche sur la place typologique des bijoux dans le monde égéen par rapport aux civilisations orientales (chapitre D). Cette étude est constituée de nombreuses sections, notamment en raison de la forme variée des perles, selon qu’elles sont en métal (disques, double hache), en pierre semi-précieuse ou encore en pâte de verre. Ces sections forment un ensemble tout à fait cohérent, qui n’échappe toutefois pas au problème de répétition inhérent à ce genre d’analyse. La table des matières offre l’avantage de pouvoir être utilisée comme index, dont on appréciera particulièrement la présentation ordonnée.

 

          Les résultats avancés par l’auteur sont fort intéressants. En ce qui concerne les éléments de parure en métal, l’auteur démontre que les perles d’Égine en forme de disque et celles en forme d’anneau large fait de fils, trouvent des parallèles en Égée du Nord-Est et en Anatolie du Nord-Ouest, les perles en forme de hache des parallèles en Anatolie et au Proche-Orient. En outre, des pendants du Bronze Ancien ont été découverts sur le continent grec, à Zygouriès, et en Crète, ainsi qu’en Anatolie et en Mésopotamie. Les pendants en forme d’anneau plat qui proviennent des Balkans sont plus anciens, mais leur production s’est interrompue au terme du Chalcolithique. Enfin, les épingles sont de types différents. Celles à tête enroulée constituent un type répandu de l’Europe centrale jusqu’au sud-est de l’Égée. Le plus ancien exemplaire est recensé en Anatolie, à Mersin, et remonte au VIe millénaire av. J.-C. L’épingle à tête en chausse-pied et le bracelet d’Égine sont certainement des pièces retravaillées à partir d’épingles à tête enroulée. Les épingles à tête épaissie trouvent des parallèles non seulement en Egée du Nord-Est, en Anatolie du Nord-Ouest, mais aussi en Grèce continentale et en Eubée.

 

          Quant aux perles en cornaline, les parallèles établis par C. Reinholdt proviennent d’Égypte et du Proche-Orient, de Chypre, ainsi que du continent, notamment d’Argolide. Plusieurs exemplaires sont recensés en Égée du Nord-Est et en Troade. La technique de gravure par corrosion utilisée pour décorer une des perles en cornaline d’Égine est propre à la toreutique du Proche-Orient ou du Levant. Cet aspect technique permet à l’auteur, qui en souligne l’importance aux pages 24 et 53, de considérer la perle d’Égine comme un produit importé d’Orient. En outre, les perles de pâte de verre ont peut-être également été importées, à l’image des pièces découvertes en Chalcidique et à Chypre, qui pourraient provenir d’Asie Mineure et de Syrie.

 

          Par conséquent, il est légitime de considérer certains éléments de parure qui constituent le trésor d’Égine comme des biens de prestige témoignant des relations entre l’Égée et les civilisations de l’Orient au IIIe millénaire av. J.-C. Ces relations ne s’inscrivent toutefois pas dans le cadre d’une relation commerciale directe. Les biens qui ont circulé dans un système d’échange ont dû être acheminés par étapes jusqu’à Égine. L’argumentation de C. Reinholdt se fonde donc sur des exemples très convaincants. Les documents dessinés illustrent de manière fort utile les propos avancés par l’auteur.

 

          Par ailleurs, la particularité de certains bijoux, soulignée à plusieurs reprises par l’auteur (voir p. 42, 45, 52, 58), est annoncée dès la page 23. Cet assemblage hétéroclite est unique en Égée. Les meilleurs parallèles fournis pour les pièces du trésor d’Égine proviennent d’Anatolie et du Proche-Orient. Ces derniers ne sont toutefois pas des éléments de parure strictement similaires. Alors que les pendants d’Égine en forme de disque possèdent un enroulement large de suspension, les autres exemplaires égéens, ceux d’Anatolie et du Proche-Orient, également datés du Bronze Ancien, sont pourvus soit d’une languette enroulée plus mince, soit d’un appendice percé. Les pendants découverts dans un contexte funéraire de l’Helladique Moyen et du début de la période mycénienne, à Argos, Tirynthe, Péristéria et Karpophora, se rapprochent davantage des pendants d’Égine et en dérivent selon l’auteur (voir page 41 : ,Auslaufmodell’). En outre, les épingles du Proche-Orient et d’Anatolie sont en cuivre et non en or comme celles d’Égine, ce qui souligne encore davantage l’originalité de ce dépôt.

 

          Quant aux éléments de parure en argent éginètes telles que les perles, dont les parallèles sont recensés non seulement en Grèce continentale et dans les Cyclades au Bronze Ancien, mais aussi en Anatolie et en Mésopotamie, il serait intéressant d’exploiter davantage la piste continentale pour l’apport du Laurion, en Attique, en tant que gisement métallifère et source d’approvisionnement en matière première. La contribution de A. Karydas et Ch. Zarkadas, en revanche, souligne l’importance du Laurion, riche en galène argentifère, qui pourrait avoir été la source de minerai pour certains éléments de parure d’Égine. De plus, l’équipe belge qui a entrepris des fouilles à Thorikos, établit que l’exploitation de mines a dû débuter à la fin de l’HA II (voir Spitaels 1984), phénomène qui s’intègre bien dans un réseau d’échanges égéens. Il semble donc nécessaire d’ajouter cette dernière référence à l’étude de C. Reinholdt.

 

          Enfin, l’auteur émet l’hypothèse que les bijoux du trésor éginète ont pu appartenir à une sépulture. C’est en effet une hypothèse qui a été émise pour le Trésor d’Égine conservé au British Museum, qui constitue vraisemblablement un assemblage secondaire. Les données sur ce dernier trésor peuvent être complétées par la parution d’un nouvel ouvrage collectif (Lesley Fitton 2009). C. Reinholdt examine les bijoux en métal précieux qui s’inscrivent dans l’inventaire des tombes du Bronze Ancien (chapitre G) et discute leur répartition en Argolide, à Manika, à Sténo de Leucade et en Crète. Bien que le mobilier funéraire de Leucade ne fournisse pas de parallèles très satisfaisants pour le trésor d’Égine, il convient d’ajouter la référence à l’ouvrage de Kilian-Dirlmeier sur Leukas paru en 2005.

 

          Le chapitre G est suivi d’une sorte d’étude annexe sur les vases en métal précieux, motivée par le fait que, comme les bijoux, ce mobilier peut être interprété comme la preuve du statut social élevé des défunts. Selon l’auteur, la présence de bijoux en tant que marqueur social conduit à déterminer l’existence d’une élite. Un bref rappel sur la tombe de guerrier du BM découverte à Egine (Kilian-Dirlmeier 1997) mériterait peut-être, dans un essai de reconstitution historique, une attention plus grande.

 

          Cette dernière remarque doit être considérée comme un complément d’information et ne ternit en aucun cas l’apport scientifique indiscutable de la recherche de C. Reinholdt. L’auteur a su mettre en lumière la particularité du dépôt éginète dans le monde égéen et juger de son importance par rapport aux civilisations d’Anatolie et du Proche-Orient. Ce trésor enfoui et découvert intact est un élément de référence indispensable à toute étude future sur le Bronze Ancien égéen.

 

 

Références bibliographiques de ce compte rendu :

 

Felten F., Hiller S., « I. Ägina-Kolonna. 1. Forschungen zur Frühbronzezeit auf Ägina-Kolonna 1993-2002 », in Alram-Stern E. (éd.), Die ägäische Frühzeit. 2. Band. Die Frühbronzezeit in Griechenland, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2004, Vienne, p. 1089-1092.

 

Gauss W., Smetana R., « 3. Bericht zur Keramik und Stratigraphie der Frühbronzezeit III aus Ägina Kolonna », in Alram-Stern E. (éd.), Die ägäische Frühzeit. 2. Band. Die Frühbronzezeit in Griechenland, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2004, Vienne, p. 1104-1113.

 

Kilian-Dirlmeier I., Das Mittelbronzezeitliche Schachtgrab von Ägina, Alt-Ägina. Band IV,3, Römisch-Germanisches Zentralmuseum, Kataloge, Band 27, Mainz, 1997.

 

Kilian-Dirlmeier I., Die bronzezeitlichen Gräber bei Nidri auf Leukas. Ausgrabrungen von W. Dörpfeld 1903-1913, Römisch-germanisches Zentralmuseums, Monographien Band 62, Mainz, 2005.

 

Lesley Fitton J. (éd.), The Aigina Treasure: Aegean Bronze Age Jewelry and A Mystery Revisited, The British Museum Press, Londres, 2009.

 

Spitaels P., « The Early Helladic Period in Mine No. 3 (Theatre Sector) », Thorikos 1972 / 1976. Rapport préliminaire sur les 9e, 10e, 11e, 12e campagnes de fouilles, Thorikos VIII, Comité des Fouilles belges en Grèce, Gent, 1984, p. 151-174.