Drost, Wolfgang: Marianne Werefkin - Von der Blauen Reiterin zur naiven Malerei. 149 pages, 17.1 x 1.6 x 24.9 cm, ISBN : 978-3-8253-4991-2, 46,00 €
(Universitätsverlag Winter, Heidelberg 2022)
 
Reseña de Pierre Vaisse, Université de Genève
 
Número de palabras : 1055 palabras
Publicado en línea el 2023-03-07
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=4725
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       Pendant soixante ans, de 1959 à 2019, Wolfgang Drost a publié près d’une trentaine d’études – articles, livres, éditions critiques de textes – sur la critique d’art des grands écrivains au cours du xixe siècle (Stendhal, Gautier, Heine… et surtout Baudelaire). Sans doute avait-il abordé d’autres domaines, tels que la poésie italienne du maniérisme ou Jean de la Fontaine (professeur de Romanistik, il enseignait à l’université les langues et littératures romanes) ; mais on n’attendait pas qu’il consacrât sur le tard un livre à une artiste russe, Marianne Werefkin (1860-1938) dont la carrière se déroula surtout dans la première moitié du xxe siècle. Pourtant, il ne faisait ainsi que renouer avec une tradition familiale, son père ayant été un historien de l’art important, sinon très connu – en France du moins.

 

       Il s’agit d’une monographie d’artiste, genre aux règles bien établies. Plutôt que de traiter séparément, selon l’habitude, la vie et l’œuvre de son héroïne, Wolfgang Drost a préféré lier les deux selon un plan chronologique, en raison du lien très étroit de l’évolution stylistique de ses œuvres avec les aléas d’une existence mouvementée. Fille d’un général de vieille famille noble résidant à Saint-Pétersbourg, elle étudia dix ans, à partir de 1885, la peinture auprès de Répine par l’intermédiaire duquel elle rencontra Jawlensky. Les tableaux de cette époque, peu connus, mais qui témoignent d’un talent affirmé, joignent le réalisme de son maître à l’étude de la peinture ancienne. En 1896, après la mort de son père, l’héritage et une rente qui lui était versée comme fille célibataire d’un ancien général (avantages qui disparurent après la révolution d’octobre, la mettant dans l’obligation de gagner sa vie) lui permirent de partir s’installer avec Jawlensky à Munich, centre alors très actif qui attirait les artistes d’Europe centrale et orientale. En 1914, la guerre les obligea, en tant que Russes, à quitter l’Allemagne pour la Suisse, d’abord près de Genève, puis, en 1918 à Ascona, au Tessin, où elle restera jusqu’à sa mort et dont le musée conserve ses archives avec une grande partie de son œuvre. En 1921, Jawlensky la quitte après une liaison dont Wolgang Drost analyse avec finesse l’aspect psychologique : persuadée par son éducation que la puissance créatrice était l’apanage des hommes et doutant de son propre talent (il n’est pas impossible que les jugements sévères portés sur sa peinture par certains artistes, comme August Macke, aient reposé sur le même préjugé !), elle avait voulu jouer pour lui le rôle d’une guide et d’une inspiratrice, sorte de Pygmalion inversé, créatrice par procuration. Mais il n’est pas simple de distinguer ce qu’en fait Jawlensky a pu lui devoir, ni ce qu’elle a reçu de lui.

 

       La même question se pose pour son rôle dans la vie artistique à Munich, où, cultivée, spirituelle, intelligente, elle tint salon. Elle aurait été à l’origine de la création de la Neue Künstlervereinigung. On a également supposé qu’elle aurait, par ses idées, préparé l’abstraction à laquelle Kandinsky, qui appartenait au cercle de ses proches, devait parvenir. Wolfgang Drost montre qu’il n’en est rien, l’erreur reposant sur une interprétation abusive des termes d’abstrait et d’abstraction, largement répandus à l’époque sans avoir la signification précise qu’ils vont prendre pour désigner une nouvelle forme de peinture. Werefkin fut par contre sensible à l’art de Maurice Denis, puis, plus tard, à celui d’Alfred Kubin. Loin de faire d’elle une épigone, les leçons qu’elle tira de ces exemples - et d’autres encore – lui permirent de se créer un style très personnel, mais qui n’en connaît pas moins une évolution profonde d’un certain romantisme à la peinture naïve, librement inspirée par un art populaire encore très vivace en Bavière et auquel l’Almanach du Blauer Reiter avait largement fait place. Cette originalité comme cette évolution, Wolfgang Drost les met en évidence par d’excellents commentaires formels d’un certain nombre d’œuvres (en particulier de leur couleur et de leur structure), commentaires qui constituent la part la plus personnelle et le principal apport de son livre – et qui révèlent un historien de l’art que dissimulèrent trop longtemps ses travaux sur la critique d’art.

 

       Le spécialiste de littérature reparaît cependant à la fin de l’ouvrage, dans un chapitre consacré aux écrits de Marianne Werefkin, à ses lettres, à la série d’articles qu’elle rédigea pendant son voyage en Italie et à ses poésies, par lesquels elle s’apparente aux auteurs contemporains qu’on qualifie d’expressionnistes. Le talent dont elle fait preuve dans cette production laisse à penser qu’elle aurait pu connaître une carrière littéraire. Il n’est pas impossible que ce double don ait attiré sur elle l’attention de Wolfgang Drost, alors que du point de vue de l’histoire de l’art, l’intérêt qu’il lui porte pourrait sembler paradoxal. Il s’est en effet formé à une époque où l’histoire allemande de l’art était dominée, en partie grâce (si l’on ose dire) à Wölfflin, par la notion de styles – Hochrenaissance, Manierismus, Barock, Rokoko, Klassizismus,… – alors tenus pour des êtres de raison d’un ordre supérieur, conception qui devait déteindre sur l’histoire de la littérature, en particulier avec ce qu’on appela l’école de Genève, suscitant des questions aussi dénuées de sens que de savoir si Racine était classique ou baroque. Marqué à ses débuts par ce mode de penser, Wolfgang Drost s’en est complètement détaché. Or ce qui distingue Marianne Werefkin et ce qu’il met en évidence, c’est de ne pas avoir appartenu, sinon de façon très marginale, aux courants contemporains dûment classifiés par les historiens de l’art. Il n’est pas interdit de supposer que c’est justement cette indépendance qui l’a conduit à lui consacrer des années d’étude et un livre auquel on ne saurait guère reprocher (mais le reproche s’adresse à l’éditeur) que les dimensions restreintes des reproductions, qui ne rendent pas justice à la monumentalité de nombreuses œuvres.

 

       Qu’il soit permis de signaler cependant une référence qui lui a échappé malgré le soin avec lequel il a cherché à rassembler toute la documentation accessible. Il s’agit d’un article d’Irina Khomenko, « L’œuvre de Marianne Werefkin à Ascona », résumé d’un mémoire inédit soutenu à l’université de Genève (Histoire de l’art, n° 58, avril 2006, p. 115-123).

 

 

Sommaire

 

Einleitung : der Fall Werefin (Introduction : le cas Werefkin).

  1. Die Anfänge (Les débuts).

  2. Neubeginn (Recommencement).

  3. Die Suche (Recherche).

  4. Experimentelle Bildstrukturen (Structures expérimentales de l’image).

  5. Romantik (Romantisme).

  6. Biedermeier (Biedermeier).

  7. Naive Malerei (Peinture naïve).

  8. Anthroposophie (Anthroposophie).

  9. Italienerlebnis (Expérience vécue de l’Italie).

  10. Doppelbegabung (Double talent).

  11. Aphorismen (Aphorismes).

Schlussbetrachtung (Conclusion)

Ausgewählte Literatur (Bibliographie choisie).