Barringer, Judith M. : Olympia: A Cultural History, p. 336, 7 x 10 in., Hardcover, 32 colour + 149 b/w illus. 2 maps., ISBN : 9780691210476, $35.00 / £28.00
(Princeton University Press, Princeton NJ 2021)
 
Reseña de Franck Wojan, Université de Rouen
 
Número de palabras : 1885 palabras
Publicado en línea el 2023-02-27
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=4473
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       Rédiger une « histoire “culturelle” (i.e. “matérielle”, “archéologique”) » du sanctuaire d’Olympie ? C’est à cette synthèse que s’est attelée Judith M. Barringer, professor of Greek Art and Archaeology à l’université d’Édimbourg et spécialiste reconnue de ce sanctuaire commun situé en Élide, à l’ouest du Péloponnèse, célèbre surtout – et avant tout (?) – pour ses agônes qui s’y déroulaient selon un rythme pentétérique.

 

       On l’aura compris, l’autrice cherche essentiellement – et sur une longue période – à dresser le portrait d’un prestigieux sanctuaire que tout le monde connaît (ou croit connaître…), mais sous un angle qui n’est pas celui utilisé habituellement (les compétions sportives). C’est là tout le mérite de cet ouvrage de presque 300 pages (si l’on inclut le cahier de planches hors-texte) de sortir pour ainsi dire des sentiers battus. L’autrice présente ainsi une belle synthèse fondée sur les résultats des fouilles archéologiques que le Deutsche archäologisches Institut (DAI) et la VIIe Éphorie des Antiquités préhistoriques et classiques du Ministère grec de la Culture mènent séparément ou conjointement, depuis un siècle et demi, sur ce site archéologique qui attire chaque année des milliers de touristes.

 

       Sans surprise, le plan adopté est chronologique. Six chapitres d’inégales longueurs – l’accent étant mis sur les périodes classique et hellénistique – permettent de mieux saisir l’évolution de ce lieu sacré. On regrettera peut-être que les périodes chronologiques choisies soient calquées sur celles de l’histoire grecque (époques archaïque, classique, hellénistique et romaine) et non sur celles de l’histoire du sanctuaire proprement dit. À la décharge de l’autrice, il est vrai que les destinées d’Olympie en particulier sont souvent liées à celles du monde grec en général. Ni l’époque romaine ni l’Antiquité tardive n’ont été négligées, ce qui permet d’offrir au lecteur un panorama complet. L’ensemble se lit agréablement et la profusion d’illustrations permet de suivre sans difficulté la démonstration de J. Barringer. Cette dernière prévient que l’Altis est au cœur de son ouvrage, mais le lecteur se rend vite compte qu’elle déborde souvent – et à juste titre – de ce cadre un peu restrictif.

 

       Le Prologue permet de rappeler quelques évidences parfois oubliées ou minorées. Le sanctuaire d’Olympie est un lieu sacré, commun à tous les Grecs (« panhellénique »), mais extra-urbain, appartenant à la cité des Éléens au moins depuis le début du VIe siècle avant J.-C., et ce jusqu’à la fin de l’Antiquité. Ce que l’on sait du sanctuaire aux époques les plus reculées (c’est-à-dire, grosso modo, avant la mise en place des agônes) est brièvement résumé et porte sur le Pélopion et les premières offrandes (figurines, guerriers, chaudrons, etc.). L’autrice dit ensuite quelques mots sur les concours sportifs – les olympia, mais aussi les hèraia – en lien avec les cultes rendus (entre autres) à Zeus et à Héra. Elle n’omet pas d’indiquer que la date communément admise des premiers concours – 776 avant J.-C. – est une reconstitution moderne, et que le sanctuaire était partie prenante dans les relations souvent tendues entre les cités.

 

       Le chapitre 1 s’intéresse tout particulièrement à l’Altis, le fameux « bois sacré » (selon l’étymologie proposée par Pausanias) dans lequel et autour duquel est né et s’est développé le sanctuaire. Le témoignage du Périégète est mis à contribution (il faut rappeler que sa description d’Olympie occupe pratiquement la totalité de deux livres – le 5 et le 6 – de la Périégèse) et comparé aux vestiges archéologiques découverts depuis 1875. Cette comparaison entre les deux – le témoignage littéraire d’un côté et les realia de l’autre – montre ni plus ni moins que Pausanias ne peut être assimilé à un archéologue moderne et que les intentions de l’un et celles des autres sont très différentes. D’où des discussions parfois sans fin sur ce que le Périégète a (aurait) omis, voire sur ses éventuelles erreurs, mais il faut rappeler que Pausanias était tributaire de son « autopsie », de ses recherches et, surtout, de ses guides éléens rencontrés sur place. Parmi les découvertes récentes, l’autrice mentionne la localisation du sanctuaire d’Eileithyia derrière la colline de Kronos (alors qu’on pensait devoir le localiser du côté du sanctuaire, au pied de la pente de ladite colline) et celui de Déméter Chamynè le long de la route moderne qui remonte la vallée de l’Alphée en direction d’Héraia d’Arcadie. Ce chapitre s’achève avec un tour d’horizon des « questions pratiques » (je traduis ainsi l’expression practical matters de l’autrice) propres au sanctuaire comme sa fréquentation pendant les agônes, la question de l’eau et des repas, les poids et mesures en lien avec la panégyrie qui accompagnait les concours sportifs, l’hébergement des athlètes et du public.

 

       Le chapitre 2 traite de l’époque archaïque, circonscrite ici aux années 600-480 avant J.-C. Il s’avère d’emblée que les constructions relatives à cette période sont particulièrement modestes et, au cœur de l’Altis, seuls le Pélopion, l’autel des cendres de Zeus et le temple baptisé Hèraion par Pausanias, sortent du lot. Le Pélopion est lié au culte de Pélops, qui passait pour l’un des fondateurs mythiques des agônes, tandis que l’autel des cendres était en lien avec l’oracle et le culte quotidien rendu à Zeus. Le temple appelé Hèraion par Pausanias était-il à l’origine dédié à Zeus, au couple Zeus-Héra ou déjà à Héra seule ? La réponse n’est pas tranchée. Par la suite, l’aménagement de la terrasse aux trésors et celui du premier stade (piste de 192 m à Olympie) commencent à structurer l’espace sacré du sanctuaire en lisière ou en dehors de l’Altis proprement dit. L’autrice glisse quelques remarques sur l’autel d’Artémis, les statues votives et la présence remarquée des Grecs de l’Ouest (notamment de Sicile) dans le sanctuaire. De tous les objets remarquables conservés dans l’Altis, quelques lignes sont consacrées au fameux coffret de Kypsélos, longuement décrit par le Périégète.

 

       Avec le chapitre 3, consacré au seul Ve siècle avant J.-C., nous entrons dans ce que beaucoup d’auteurs voient, à tort me semble-t-il, comme l’acmé du sanctuaire commun. C’est l’époque où le stade est remodelé tel qu’on le voit actuellement, que les statues votives et les bases monumentales ou agonistiques encombrent l’Altis, où le temple de Zeus – le plus grand temple dorique du Péloponnèse – est construit par Libôn d’Élis, puis doté par le célèbre sculpteur Phidias de la statue chryséléphantine du dieu – classée plus tard comme l’une des Sept Merveilles du monde. C’est aussi le moment où le sanctuaire est partie prenante des grands conflits du siècle comme les guerres médiques et la guerre du Péloponnèse (les Éléens étant, dans un premier temps, dans la ligue du Péloponnèse aux côtés des Lacédémoniens, avant de prendre leurs distances). L’image de Zeus évolue : du dieu lanceur de foudre, Phidias le transforme en figure souveraine assise sur son trône. Il s’agit donc d’une période très riche tant au niveau artistique, architectural qu’agonistique et politique. Cependant, le sanctuaire n’a pas encore la physionomie qu’on lui connaît et son acmé date sans doute (mais cela reste mon opinion) de l’époque suivante.

 

       Le chapitre 4 est une longue période, qui commence avec le IVe siècle avant J.-C. et se prolonge avec l’époque hellénistique. La structuration de l’espace sacré et agonistique s’achève avec de nouveaux bâtiments comme le portique d’Écho, le Léônidaion, la palestre et le gymnase – pour ne citer qu’eux. De mon point de vue, c’est à l’époque hellénistique, voire romaine, que le sanctuaire est le mieux aménagé et doté, et qu’il offre aux pèlerins, aux visiteurs et aux athlètes le plus de confort. Olympie reste au cœur des soubresauts politiques de cette période avec l’occupation de l’Altis par les troupes du koinon des Arcadiens dans la seconde moitié des années 360 avant J.-C. et la construction du – controversé – Philippeion en l’honneur de la dynastie macédonienne des Argéades. Par la suite, les royaumes hellénistiques – notamment les Ptolémées, mais aussi des dynastes syracusains et des consuls romains – manifestent leur mansuétude au sanctuaire commun. Du côté des athlètes, les inscriptions honorifiques continuent de « pousser comme des champignons » dans l’Altis.

 

       Le chapitre 5 traite de l’époque romaine, qui commence avec la visite admirative de Mummius (146 avant J.-C.) et le pillage de Sulla (87 avant J.-C.), deux attitudes opposées que l’on retrouve à l’époque impériale (entre un Tibère faisant concourir ses chevaux et un Caligula ou un Néron cherchant à spolier le lieu sacré). C’est à cette époque que le sanctuaire prend définitivement la forme qu’on lui connaît aujourd’hui, que les derniers bâtiments sont construits et que le Mètrôon devient un temple du culte impérial. Il n’est pas certain qu’Hadrien, l’empereur philhellène, se soit rendu dans le sanctuaire ; à tout le moins rien de particulier ne peut lui être attribué de manière sûre, ce qui est étonnant (en revanche, la cité des Éléens refrappe monnaie à partir d’Hadrien, ce qu’elle ne faisait plus depuis le Ier siècle avant J.-C. au moins). Des bâtiments emblématiques de cette période, il y a bien sûr le nymphée d’Hérode Atticus, près de l’Hèraion, et que Pausanias ne mentionne pas. L’époque impériale est aussi celle des réparations et des rénovations, ce qui permet au sanctuaire d’Olympie de poursuivre son chemin jusqu’à l’interdiction des sacrifices par l’empereur Théodose à la fin du IVe siècle. Sous le Principat, les athlètes sont désormais originaires de l’ensemble du monde romain et le nom d’Olympie reste malgré tout célèbre, même si la concurrence d’autres agônes a mis à mal son antique suprématie.

 

       Dans le chapitre 6, l’autrice aborde en quelques pages les dernières olympiades de l’époque antique et comment, à partir des décisions prises par les empereurs chrétiens, le sanctuaire est progressivement laissé à l’abandon. L’Altis est alors entièrement remodelé pour y abriter des habitants (ce qui n’était pas le cas des périodes précédentes) et une église byzantine. On change d’époque et le nom même d’Olympie finit par disparaître au Moyen Âge.

 

       Au terme de ce périple d’histoire matérielle et culturelle, le lecteur referme ce beau livre avec le sentiment que le sanctuaire d’Olympie n’a pas encore livré tous ses secrets. Outre un texte simple et bien documenté, le choix d’une illustration abondante (j’ai compté pas moins de 138 illustrations en noir et blanc et en tous genres – cartes, plans, photographies, dessins, etc. – dans le corps du texte, auxquelles s’ajoutent les 49 en couleur du cahier hors-texte) est particulièrement appréciable… et apprécié. Le seul bémol concerne toutefois les plans, présentés en format réduit et souvent difficilement lisibles (ce qui se révèle contre-productif pour un lecteur néophyte). Naturellement, tous les aspects « culturels », et « matériels » ne sont pas détaillés (par exemple, la céramique, les casques, etc.) ou même évoqués (je pense notamment à la monnaie : les Éléens ont frappé monnaie et cette dernière avait cours dans le sanctuaire ; l’autrice ne l’évoque que pour illustrer deux types monétaires : le Zeus lanceur de foudre et le Zeus de Phidias ; quelques lignes dans le Prologue et les « questions pratiques » auraient été les bienvenues). Quoi qu’il en soit, ce ne sont que de petits défauts, et il faut savoir gré à Judith M. Barringer d’avoir tenté le pari – un pari réussi – de la synthèse sur plus d’un millénaire d’histoire, en restant dans un format commode et avec un texte accessible.

 

 

Sommaire 

 

List of Illustrations (p. VII-XII)

Acknowledgments (p. XIII-XIV)

Abbreviations (p. XV)

Chronology (p. XVII)

 

Introduction (p. 1-12)

 

Prologue (p. 13-33)

 

Chapter 1 : The Shape of the Altis and Practical Matters (p. 34-62)

 

Chapter 2 : The Archaic Period, c. 600-480 B.C. (p. 63-103)

 

Chapter 3 : The Fith Century B.C. (p. 104-155)

 

Chapter 4 : The Fourth Century B.C. and the Hellenistic Period (p. 156-204)

 

Chapter 5 : Roman Olympia (p. 205-236)

 

Chapter 6 : The Last Olympiad (p. 237-244)

 

Bibliography (p. 245-267)

 

Index Locorum (p. 269-270)

 

General Index (p. 271-281)