Betite, Sarah – Wurmser, Hélène (dir.) : Eleutheria ! Retour à la liberté. Découvrir et transmettre l’Antiquité depuis la Révolution grecque de 1821, 196 pages, ISBN : 978-2-7297-1254-9, 25 €
(Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon 2021)
 
Reseña de Clémence Demaure, université Rennes 2
 
Número de palabras : 2517 palabras
Publicado en línea el 2023-12-08
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=4214
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       Ce catalogue est issu de l'exposition "Eleutheria ! Retour à la liberté," qui s'est déroulée au musée des Moulages de l'université Lumière-Lyon 2 du 18 septembre 2021 au 26 mars 2022. Sous la co-direction de Sarah Betite et d'Hélène Wurmser, cet ouvrage compile les contributions de douze auteurs et autrices issus de la recherche en histoire de l'art et des métiers du patrimoine. Il offre un catalogue complet des 177 œuvres présentées lors de l'exposition et s'étend sur 196 pages, se structurant en deux parties distinctes : "Œuvres choisies" et "Catalogue des œuvres exposées," chacune étant composée de quatre chapitres alignés sur les sections de l’exposition.

 

       Le musée des Moulages de l'université Lumière-Lyon 2, communément désigné sous l'acronyme « MuMo », est un lieu chargé d'histoire, dont la préface rédigée par Julia Bonaccorsi, vice-présidente Sciences et société de l'université Lumière-Lyon 2, dresse un aperçu. Fondé en 1899, le MuMo a rouvert en 2019 après une période de cinq ans de rénovation. L'accessibilité du musée et son rôle crucial dans la médiation culturelle et l’expérimentation sont aujourd’hui au cœur du projet scientifique du musée. L'exposition intitulée "Eleutheria ! Retour à la liberté" cherche à décloisonner les récits d'objets et à souligner le rôle des moulages dans l'histoire de l’archéologie. Hélène Wurmser, maître de conférences en archéologie et histoire de l'art grec à l'université Lumière Lyon 2, contextualise l'exposition en explorant le philhellénisme français. Né lors de la Révolution grecque de 1821 et de la commémoration du bicentenaire de cet événement, le philhellénisme a donné lieu à des sociétés philanthropiques en faveur de la Grèce, notamment à Paris en 1825, ainsi qu’en région comme Lyon. Ces initiatives ont joué un rôle majeur dans le développement de l'archéologie en Grèce et la création de l'École française d’Athènes (EFA). Les moulages ont contribué à l'étude des œuvres antiques en complétant les dessins, tout en préservant la matérialité des vestiges.

 

       Soline Morinière, responsable des archives privées et des collections d'estampes au musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, plonge plus profondément dans l'histoire du musée. Celui-ci s'inscrit dans le modèle scientifique positiviste, favorisant l'étude visuelle des objets. Son histoire est intrinsèquement liée aux fouilles archéologiques françaises en Grèce et à l'EFA, avec des personnalités scientifiques telles que Gustave Bloch, Maurice Holleaux et Henri Lechat, qui ont marqué son développement. Le MuMo a également profité du marché de la copie en Europe à la fin du xixe siècle pour enrichir ses collections. Des ateliers internationaux ont participé à la production de copies et de moulages et le musée a établi des liens privilégiés avec l'université de Lyon et l'EFA pour acquérir des tirages athéniens. La collaboration avec les fouilles archéologiques a conduit à l'emploi de mouleurs sur le terrain afin de réduire les délais de production. Le musée est ainsi devenu un centre de recherche appliquée, accueillant enseignants, étudiants et grand public. Le départ d'Henri Lechat en 1925 a marqué une transition, mais le musée est demeuré l'un des plus grands musées universitaires français, reflétant l'histoire de l'enseignement de l'archéologie et de l'histoire de l'art antique. Une chronologie des événements majeurs du musée de 1876 à 2019 complète ces contributions introductives, éclairant ainsi son évolution au fil des décennies.

 

       Le chapitre d’ouverture explore l'histoire des premières œuvres grecques en France, couvrant la période allant de la fin du xviiie siècle jusqu'à l'année 1821. Il sert de préambule à la première partie de l’ouvrage, qui se compose de quatre chapitres thématiques, regroupant dix-neuf notices sur des objets ou des groupes d'objets. Dans ce chapitre, H. Wurmser souligne l'importance des collections du département des Antiques du musée du Louvre, établi en 1793, dont les trésors comprennent notamment des marbres du Parthénon et de l'Acropole d'Athènes, parmi lesquels la plaque des Ergastines occupe une place de choix. L'auteur éclaire également l'origine des collections d'antiquités grecques au musée des Beaux-arts de Lyon. En 1810, l'établissement acquiert une œuvre archaïque provenant de l'Acropole d'Athènes, la Korè de Lyon, donnant lieu à la création d'un tirage en plâtre peu de temps après pour le MuMo. La première notice du catalogue est consacrée à cette Korè de Lyon, mettant en lumière le rôle fondamental du moulage dans la compréhension des vestiges fragmentaires. En effet, les éléments de statues conservés au musée de l'Acropole d'Athènes ont bénéficié de tirages qui ont permis de reconstituer l'intégrité de l'œuvre. L'autrice explique comment le moulage est un outil épistémologique essentiel, permettant aux chercheurs de proposer des restitutions de la polychromie des sculptures antiques. De plus, il joue un rôle crucial dans la conservation préventive, comme dans le cas de la Vénus de Milo. En effet, un moulage réalisé immédiatement après l'entrée de la statue au musée du Louvre a permis de tester différentes solutions d'exposition et d'engager une réflexion sur sa restauration. Enfin, le moulage se révèle être un outil hautement pédagogique, favorisant l'analyse comparative du contexte technique, stylistique et culturel des œuvres. L'exemple de l'Apollon Choiseul-Gouffier, présenté par l'historienne de l'art Lina Roy, illustre comment Maurice Holleaux a agi pour le MuMo en acquérant des tirages de toutes les copies connues de cette statue, créant ainsi une série exceptionnelle qui enrichit notre compréhension des différentes interprétations de cette œuvre. En résumé, ce chapitre d'ouverture présente l'importance cruciale du moulage pour la préservation, l'étude et la diffusion du patrimoine artistique grec en France au tournant du xixe siècle.

 

       Le deuxième chapitre, consacré à l'Acropole d'Athènes, offre une plongée dans l'histoire mouvementée de ce site emblématique. Il commence par rappeler l'importance des expéditions étrangères, en particulier celle menée entre 1751 et 1753 par James Stuart et Nicholas Revett, membres éminents de la société londonienne des Dilettanti. Leur travail, qui inclut des relevés précis, des plans détaillés et des dessins des décors de l'Acropole, a jeté les bases d'une étude scientifique des vestiges, mettant en lumière l'art et l'histoire du site. Il est intéressant de noter que ces expéditions ont également suscité des débats sur leur impact, notamment en ce qui concerne leur possible contribution au pillage de l'Acropole.

 

       Ce chapitre aborde également la période post-1827, lorsque le gouvernement grec a interdit l'exportation d'antiquités, ce qui a marqué le début d'une nouvelle ère pour l'Acropole, avec la première fouille officielle menée par Kyriakos Pittakis entre 1830 et 1860, suivie de la restauration supervisée par l'architecte Leo von Klenze. Ces efforts ont contribué à préserver le site et à restaurer ses monuments dans toute leur gloire passée. Les cinq objets ou groupes d'objets évoqués dans ce chapitre représentent d’impressionnantes réalisations techniques, qui révèlent les compétences des mouleurs et permettent de mieux comprendre les caractéristiques des originaux. De plus, ces objets sont utilisés à des fins éducatives et d'inspiration artistique, notamment dans les expositions temporaires, témoignant de leur pertinence continue dans le domaine de l'apprentissage. En fin de compte, ce chapitre offre une exploration approfondie de l'Acropole d'Athènes à travers des objets fascinants, tout en soulignant leur importance pour la recherche et l’éducation.

 

       Le troisième chapitre se penche de manière approfondie sur la redécouverte de Delphes et la pratique du moulage entre les années 1892 et 1903. Cette période fut marquée par des tensions politiques entre la France et l'Allemagne, toutes deux désireuses de s'approprier les richesses archéologiques du site, alors enfoui sous le village de Kastri. Après une décennie de négociations ardues, Paul Foucart réussit à obtenir l'autorisation d'explorer Delphes, ce qui entraîna l'expropriation du village et la mise en place d'un immense chantier pour dégager le site. Cette autorisation s'accompagna d'une exclusivité pour la production de moulages et d'empreintes, ainsi que pour la publication des découvertes pendant une période de cinq ans.

 

       Sous la direction de Théophile Homolle à partir de 1892, la fouille se dote d’un atelier de moulage établi sur place en 1894. Celui-ci permet de diffuser rapidement les découvertes en France à travers l'envoi de moulages et de photographies. En 1896, une exposition des moulages de Delphes à Paris marqua une étape majeure, ce qui conduisit à l'aménagement d'une salle dédiée au Louvre à partir de 1896. L'exposition universelle de Paris en 1900 consacra définitivement les travaux de l’EFA à Delphes, renforçant également le prestige du musée des Moulages de Lyon, qui s'était montré dynamique dans ses acquisitions. Le MuMo reçut la médaille d'or de l'enseignement supérieur et des institutions scientifiques en reconnaissance de son rôle dans la préservation et la diffusion du patrimoine artistique.

 

       Le chapitre met en lumière le Sphinx des Naxiens, la frise du trésor de Siphnos, la colonne des Danseuses et l'Aurige de Delphes. Il souligne l'importance cruciale du moulage dans l'étude de l'histoire de l'art et la compréhension de la technique du bronzage. Enfin, il évoque également la découverte à Istanbul d'un élément de la colonne serpentine du Trépied de Platées et sa réplique en bronze commandée en 2015. Cette réplique incarne parfaitement la technique du bronzage du plâtre et reflète la quête d'exhaustivité poursuivie par le MuMo, témoignant ainsi de son engagement à préserver et à partager le patrimoine artistique de manière exceptionnelle.

 

       Le quatrième chapitre explore la diversité des supports d'enseignement et d'étude liés à l'art et à l'archéologie du xixe au xxe siècle. Ces supports comprennent des photographies, des empreintes, des monnaies, des céramiques originales, des sculptures, des plaques de projection, des gemmes, des camées, des reproductions de monnaies et des estampages d'inscriptions.

 

       Ces matériaux sont essentiels pour l'enseignement et la recherche dans le domaine de l'art antique. Ils permettent la visualisation de détails difficiles à observer autrement et offrent un accès à des documents anciens. Les figurines en terre cuite de Myrina, les statuettes tanagréennes, les plaques de projection avec des photographies anciennes et les estampages d'inscriptions sont autant de ressources qui enrichissent notre compréhension de l'art et de l'histoire de l'Antiquité. De plus, ces supports pédagogiques facilitent la comparaison stylistique et iconographique, ainsi que l'étude des techniques artistiques et des rituels funéraires. En résumé, ils permettent une véritable confrontation de l'œil avec des documents difficilement accessibles, contribuant ainsi à l'approfondissement des connaissances dans le domaine de l'archéologie et de l'art antique.

 

       La deuxième partie de l'ouvrage consiste en un catalogue des 177 œuvres exposées. Ces œuvres sont numérotées et organisées selon les différentes sections de l'exposition, qui correspondent aux quatre parties de l'ouvrage. Chaque notice comprend des informations telles que la dénomination de l'objet, ses matériaux, sa taille, l'œuvre d'après laquelle il a été produit, l'atelier de moulage impliqué, ainsi que des détails sur d'autres tirages connus. En outre, l'ouvrage est doté d'un index des noms des personnes citées, très utile pour les chercheurs et les étudiants.

 

       Le catalogue d'exposition "Eleutheria ! Retour à la liberté" se focalise sur deux questions principales : d'abord, il analyse comment les documents représentant des vestiges archéologiques grecs ont servi de moyens de transmission du patrimoine grec depuis la Révolution de 1821 et, ensuite, il examine la fonction de ces documents en France depuis cette période. L'ouvrage, conçu comme un outil didactique destiné au grand public, explore divers aspects de l'histoire des vestiges archéologiques grecs, incluant l'histoire des originaux, des copies, des institutions et des acteurs clés de l'archéologie en France et en Europe. L’ouvrage fournit des informations détaillées sur les originaux, leur découverte, leur description et leur interprétation. De plus, il se penche sur les techniques de réalisation des moulages, l'histoire matérielle des tirages et les aspects muséographiques liés à leur exposition. Il révèle également de manière critique les pratiques d'acquisition des moulages au xixe siècle, mettant en évidence leur directe implication dans des pillages effectués au profit des grands musées européens.

 

       Le catalogue présente quelques répétitions qui alourdissent la lecture, notamment des descriptions redondantes de certains événements historiques – l’enlèvement des marbres du Parthénon et l’exposition des moulages de Delphes –  et des mentions fréquentes d'acteurs clés, en particulier Théophile Homolle, Giovanni Buda et Henri Lechat. Toutefois ces rappels peuvent être utiles aux lecteurs qui ne liront que certains chapitres. L'ouvrage est enrichi par des sélections de publications à la fin de chaque contribution, offrant une bibliographie assez exhaustive et surtout actualisée sur les moulages et leur mise en valeur. Une bibliographie alphabétique, située en fin d'ouvrage, aurait éventuellement constitué un complément intéressant. Le catalogue comprend des photos d'archives et des documents variés du musée des Moulages d’une qualité appréciable. Cependant il manque peut-être un plan et des photos de l'exposition, qui auraient permis aux lecteurs qui ne l’ont pas visitée de mieux comprendre le parcours et les articulations entre les parties. Enfin, bien que les derniers chapitres évoquent des perspectives de recherche, il reste des questions en suspens concernant les travaux actuels de l'université de Lyon en Grèce.

 

       En conclusion, le catalogue d'exposition, dirigé par une approche pédagogique affirmée, rend hommage aux travaux de M. Holleaux et H. Lechat, ainsi qu'à leurs réseaux professionnels, notamment avec l'EFA. Il constitue une ressource informative et éducative, explorant divers aspects de l'histoire des vestiges archéologiques grecs et de leur préservation, tout en mettant en évidence les enjeux éthiques et historiques liés à leur acquisition et à leur exposition.

 

 

Table des matières

 

Préface, Julia Bonaccorsi, p. 7

Un hommage à la Grèce, Hélène Wurmser, p. 9

Un musée de moulages d’art antique pour l’université de Lyon, Soline Morinière, p. 17

Le Musée des Moulages d’art Antique (repères chronologiques), p. 33

 

ŒUVRES CHOISIES

Premières œuvres grecques en France entre la fin du xviiie siècle et 1821, Hélène Wurmser, p. 43

La Korè de Lyon, Hélène Wurmser, p. 47

La Vénus de Milo, Hélène Wurmser, p. 53

L’Apollon Choiseul-Gouffier, Lina Roy, p. 59

L’Acropole d’Athènes : du pillage à la restauration, Hélène Wurmser, p. 63

Plan-relief de l’Acropole d’Athènes, Hélène Wurmser, p. 67

Une korè polychrome de l’Acropole, Sarah Betite, p. 73

Les caryatides de l’Érechtéion, Anne-Laure Sounac & Fanny Grué, p. 79

Le fronton est du Parthénon, Sarah Betite & Lina Roy, p. 85

Frise miniature des Panathénées, Jillian Akharraz, p. 91

La redécouverte de Delphes et la pratique du moulage (1892-1903), Hélène Wurmser, p. 95

Le Sphinx des Naxiens, Sarah Betite & Jennifer Vatelot p. 99

La frise du Trésor de Siphnos, Sarah Betite, p. 105

La colonne des danseuses, Anne-Laure Sounac & Fanny Grué, p. 109

L’Aurige de Delphes, Sarah Betite, p. 115

La tête de serpent de la colonne supportant le Trépied de Platées, Jillian Akharraz, p. 119

Diversité des supports d’enseignement et d’étude : du xixe au xxe siècle, Hélène Wurmser, p. 125

Quelques figurines en terre cuite de Myrina, Marina Plantier & Hélène Wurmser, p. 129

Deux statuettes tanagréennes du fonds Reinach, Violaine Jeammet, p. 137

Les plaques de projection, Hélène Wurmser, p. 141

Les photographies de Fred Boissonnas, Hélène Wurmser, p. 147

La dactyliothèque du fonds Salomon Reinach et les reproductions de monnaies, Hélène Wurmser, p.151

Les estampages d’inscriptions : deux exemples delphiens, Richard Bouchon, p. 157

 

Conclusions, Hélène Wurmser, p. 163

 

CATALOGUES DES ŒUVRES EXPOSÉES, Sarah Betite & Anne-Laure Sounac, p. 167

Section 1. Premières œuvres grecques en France, p. 170

Section 2. L’Acropole d’Athènes du pillage à la restauration, p. 171

Section 3. La redécouverte de Delphes, p. 175

Section 4. Diversité des supports d’enseignement et d’étude : du xixe au xxe siècle, p. 180

 

Index des noms de personnes, p. 187

Remerciements, p. 193

Table des matières, p. 195