Wilkinson, Ryan H.: The Last Horizons of Roman Gaul: Communication, Coin Circulation, and the Limits of the Second Burgundian Kingdom. A prosopographical, numismatic, and ceramic synthesis (ca. 395-550 CE) (BAR International Series). 120 p., ill. in colour and black & white, 21 figures, 21 x 29,7 cm, ISBN : 9781407356839, £29.00
(BAR Publishing, Oxford 2020)
 
Reseña de André Buisson, Université Lyon 3
 
Número de palabras : 1559 palabras
Publicado en línea el 2023-08-25
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=4039
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       À l'origine de ce livre, se trouve une "dissertation doctorale" rédigée à Harvard en 2015 et complétée, consacrée à l'étude de l'évolution des relations à l'intérieur de l'empire romain d'Occident aux ve et vie siècles de notre ère. L'auteur choisit d'aborder ce très vaste sujet à travers l'exemple de deux cités du bassin de la Saône, celles des Éduens et des Lingons. Tel qu'il nous le présente, son travail a pour but d'étudier les changements (s'il y en a eu) dans les réseaux de relations des habitants des deux cités voisines pendant les deux siècles ("the 'long' fifth century – here ca 395-550 CE-") (p. 10) qui voient l'effondrement de l'empire romain d'Occident et la mise en place des royaumes burgonde et franc.

 

       Ryan H. Wilkinson a questionné principalement deux types de sources : les textes littéraires et les découvertes monétaires (et quelques autres artéfacts), ainsi que les documents administratifs comme la Table de Peutinger ou la Cosmographie de l'Anonyme de Ravenne.

 

       Il choisit de découper la période en deux parties, la fin de l'Antiquité d'une part et le début du Moyen Âge d'autre part, périodisation qu'il reprend pour les deux cités choisies en exemple. Sa chronologie lui est fournie par la datation des événements politiques, d'une part, et les dates des textes qu'il exploite, d'autre part. Les textes littéraires contemporains des événements sont principalement les Vitae d'évêques ou de religieux (clercs, abbés), qui regorgent d'informations de détail sur leurs déplacements (par exemple à l'occasion de conciles), ou les relations entre ces personnages et leurs réseaux de correspondants, qu'ils soient ecclésiastiques ou civils, à l'exemple de la Correspondance de Sidoine Apollinaire (fort riche en détails "pratiques" et en renseignements de tous ordres, comme l'ont montré, à la suite d'A. Loyen, les travaux de M.-H. Bruguière ou de C. Cloppet, chacun dans son domaine particulier). C'est en chronographiant ces textes, en les mettant en relations avec les événements politiques régionaux, que R. Wilkinson détermine des phases historiques "régionales" ou "locales" d'une possible recomposition des réseaux relationnels régionaux (il se défend pour autant de rester un historien local) : "To understand how such links changed over time, I have found network concepts usefull" (p. 5). L'étude est ainsi organisée autour de la notion de réseaux, à la manière d'une analyse socio-économique (social network analysis). Celle-ci se fonde en premier lieu sur l'existence, et la permanence, des liens familiaux et des réseaux d'influence mis en place notamment par les mariages. Elle est également entretenue par les liens d'amitié, de fortune ou de carrière, qui déterminent les aires d'influence et de déplacement des intéressés (ensemble de renseignements aujourd'hui exploités avec les méthodes de l'analyse géographique, la "cartographie narrative" réhabilitée par M. Fournier).

 

       Dans un premier temps, avec le cas des Éduens, il parvient à séquencer l'évolution du système relationnel pour montrer une réorientation des axes vers le sud, en relation avec la fermeture des frontières franques au début du Moyen Âge, au profit des horizons méridionaux (sans doute favorisés par la politique d'ouverture burgonde). Ainsi, à la fin du ive siècle, toutes les cités sont-elles "very well connected to external communities" (p. 9) et avant 450, Autun est tournée vers le nord-ouest (Vie d'Amator), alors qu'entre 450 et 480, les relations semblent s'interrompre (Vies de Lupus de Troyes, d'Euphronius d'Autun…). Un peu plus tard, au début du Moyen Âge, les relations des élites d'Autun sont établies à partir de Chalon et s'ouvrent vers le sud (Pragmatius d'Autun est présent au concile d'Epaone en 517, Césaire d'Arles, Avitus de Vienne ont des relations suivies avec des Éduens). Tous ces éléments tendent à fournir la preuve d'une relative tranquillité dans le royaume burgonde. Avec la victoire des Francs sur les Burgondes, les relations des Éduens avec les cités situées plus au nord semblent d'être à nouveau développées.

 

       Pour le cas des Lingons, la chronologie est semble-t-il différente. Cela serait dû à l'emprise des Alamans sur le territoire, que seule la défaite face à Clovis a permis, après 506, de libérer et de favoriser l'ouverture d'une nouvelle ère de communications (Lupus de Troyes, Aprunculus de Langres, Grégoire de Tours, Grégoire Attale de Langres, Passio de Saint Bénigne de Dijon…). Si l'auteur voit émerger Dijon de l'ombre de Langres au début du vie s., il soulève la question des raisons du transfert de l'évêché : si la cause en est la pression des Alamans, pourquoi n'a-t-on pas assisté à un retour à la "normale" après la bataille de Tolbiac ? La situation géographique de Dijon, en relation avec la Saône par l'Ouche et qui peut ainsi profiter de l'unité du royaume burgonde réalisée par Gondebaud dès 501 est mise en avant, mais peut-être également un opportunisme familial de la part de l'évêque Atrunculus. Après 534, avec la conquête franque, le réseau de correspondants des Lingons semble avoir été démultiplié au point de s'identifier à nouveau à celui de l'ancien empire romain.

 

       Les chapitres suivants sont consacrés à une très longue discussion sur l'apport des découvertes monétaires burgondes de cette époque (l'auteur est alors tributaire de J. Lafaurie et J. Pilet-Lemaire notamment) : le trésor de Gourdon en premier lieu, montrerait, par le choix des monnaies d'or conservées, un relatif isolement du royaume burgonde dans le monde occidental à son époque (une majorité des solidi découverts, frappés sur des modèles d'empereurs d'Orient, portent une marque de rois burgondes, Gondebaud ou Sigismond). La circulation de la monnaie burgonde est scrutée également au travers des découvertes isolées.

 

       Au bout du compte, le livre montre avec, à l'appui, un dossier de preuves très fourni, comment le processus complexe appelé "chute de l'empire romain" a bouleversé les communications jusqu'au niveau le plus modeste, celui des communautés locales et régionales. Durant les ve et vie siècles, les réseaux relationnels des Éduens et des Lingons ne furent ni uniformes ni stables : à partir des années 480, les relations locales restent fréquentes (dans la cité, voire dans les cités voisines) ; de même, à l'intérieur du royaume burgonde, les voyages vers Lyon, Genève ou le Jura, voire jusqu'en basse Provence, restent aisés. En revanche, les très anciennes et "well-established connections" (p. 79) avec le nord-ouest, passé sous domination mérovingienne, stoppèrent. A partir de l'absorption du royaume burgonde par les Francs, si la majorité des populations resta dans des relations "locales", les "élites" (évêques, abbés et dignitaires) virent leurs horizons s'ouvrir à nouveau. Ainsi, la dégradation et la recomposition des réseaux socio-économiques ne furent pas perçues de la même manière par toutes les classes sociales. C'est le cas par exemple de la relative liberté de circulation à l'époque burgonde vers le sud (Durance, Arles, Lérins), à l'opposé de la fermeture des communications au nord avec les Francs.

 

       Cette méthode d'analyse des données, principalement des sources littéraires et des découvertes monétaires, est très pertinente et efficace en ce qu'elle permet de déterminer une chronologie et une "géographie" des relations humaines (sociales, économiques, politiques et religieuses). Le discours met en œuvre une masse bibliographique très importante, tant au niveau des sources elles-mêmes qu'en matière de bibliographie moderne. Très argumenté, le livre fourmille d'idées et de pistes de recherches à suivre sur une des périodes clés de l'histoire de la Gaule.

 

 

Bibliographie

 

BRUGUIERE M.-B., 1974, Littérature et droit dans la Gaule du Ve s., thèse pour le doctorat en droit, Université de Toulouse, Imprimerie M. Espic, 417 p.

CLOPPET C., 1989, A propos d'un voyage de Sidoine Apollinaire en entre Lyon et Clermont-Ferrand, Latomus, XLVIII, 4, oct-nov., p. 857-868.

FOURNIER M. (éd.), 2016, Cartographier les récits, Clermont-Ferrand, CERAMAC n°35, Presses de l'université Blaise Pascal.

LOYEN A., 1942, Recherches historiques sur les panégyriques de Sidoine Apollinaire, Paris, Champion, BEPHE, 285 (Reprint ou nouvelle édition : Rome, L'Erma di Bretschneider, 1967, Studia historica, 43).

LOYEN A., 1943, Sidoine Apollinaire et l'esprit précieux en Gaule aux derniers jours de l'Empire, Paris, Librairie Les Belles Lettres.

 

 

Contents

 

List of Figures   ix

 

1. Introduction   1

1.1. Communication, Power, and the Fragmentation of the Ancient World   1

1.2. Scope and Methodologies.  4

1.3. The Last Horizons of Roman Gaul.  8

 

2. Aeduan Communications at the End of Antiquity.   9

2.1. Brothers and Kinsmen of the Roman People.   9

2.2. Before 450: Autun Looks Northwest.   11

2.3. ca. 450-480: Broad Horizons, Gathering Storms.   13

 

3. Aeduan Communications at the Dawn of the Middle Ages.   17

3.1. Autun’s Small World    17

3.2. Looking South: Chalon under the Burgundians.   20

3.3. Under Frankish Rule.   22

3.4. Aeduan Horizons: Initial Conclusions.   25

 

4. Lingon Communications at the End of Antiquity.   27

4.1. A City with Closed Gates    27

4.2. ca. 450-506: Years of Silence, Years of Violence.   28

4.3. Aprunculus of Langres: Contextualizing an Exile.   34

 

5. Lingon Communications at the Dawn of the Middle Ages.   39

5.1. 506-534: Gregorius Attalus, Great Man in a Small World    39

5.2. After 534: A Brave New World    46

5.3. Lingon Horizons: Initial Conclusions.   49

 

6. Buried Treasures and Hidden Networks    51

6.1. Coins and Burgundian History.   51

6.2. The Evidence from Hoards.   57

 

7. Single Finds and Small Worlds     63

7.1. Peace and Abundance?   63

7.2. Coin Distributions in Burgundian Territory    63

7.3. Coins beyond the Burgundian Kingdom: Distance-Traveled Analysis.   67

7.3.1. Provence and the South.   69

7.3.2. The Frankish North.   72

7.3.3. Aquitania and Western Gaul.    75

7.4. The Brèves tremissis and Burgundian Isolation.   76

 

8. Synthesis & Conclusions: The Last Horizons of Roman Gaul    79

8.1. Summary of Findings     79

8.2. Network and Gravity Theories     80

8.3. The Limits of the Second Burgundian Kingdom.   81

 

Bibliography     85

Abbreviations Used.   85

Ancient and Medieval Sources.    85

Modern Works.    87

Image Credits.    107