Sommer, Michael (ed.): Inter duo Imperia. Palmyra between East and West (Oriens et Occidens, 31). 167 p., 3 b/w ill, 12 b/w photos., ISBN : 978-3-515-12774-5, 40 €
(Franz Steiner Verlag, Stuttgart 2020)
 
Reseña de Catherine Saliou, Université de Paris 8
 
Número de palabras : 1186 palabras
Publicado en línea el 2023-09-29
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3992
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       Les publications concernant Palmyre se sont multipliées ces dernières années : synthèses[1], monographies[2], éditions d’archives[3], ouvrages collectifs souvent issus de colloques. Inter duo Imperia: Palmyra between East and West relève de cette dernière catégorie et regroupe des contributions rédigées à la suite d’une rencontre scientifique organisée à Oldenbourg en mars 2018 par M. Sommer.

 

       Le titre du volume est tiré d’une brève notice de Pline l’Ancien sur Palmyre (HN V, 38), souvent commentée. Les deux premières études tentent de répondre à la question soulevée par ce titre, telle que la présente M. Sommer dans l’introduction : il s’agit de se demander en quoi, à quelle période de son histoire et dans quelle mesure Palmyre peut être décrite comme une cité entre l’Empire romain et l’empire parthe plutôt que comme une cité de l’Empire romain. Ted Kaizer se charge du dossier institutionnel et politique. Il réaffirme, après d’autres (et contrairement à M. Sommer), la datation au début de l’époque julio-claudienne, au plus tard en 19 apr. J.-C., de l’intégration de la cité à la province romaine de Syrie, M. Sommer s’intéresse aux débuts du grand commerce palmyrénien au IIe siècle apr. J.-C. Les importations de céramique en provenance de Babylonie commencent précisément au moment où la Mésopotamie est rattachée à l’empire parthe et séparée du royaume séleucide. La division politique et les tensions entre états impériaux, loin du nuire au commerce palmyrénien, ont été mises à profit par les Palmyréniens, qui ont fait de leur ville, dans ce contexte, un point de passage obligé ou privilégié pour le commerce.

 

       Dans la suite de sa notice, Pline l’Ancien vante les richesses du sol de Palmyre. J. C. Mayer étudie les ressources agricoles et hydriques du vaste territoire de la cité. Il corrige certaines de ses précédentes conclusions, selon lesquelles les villages du nord de la Palmyrène auraient été fondés par des habitants de Palmyre. Il considère à présent que la population de ces villages relève d’une sphère culturelle et sociale distincte, caractérisée par un semi-nomadisme. Il souligne la fertilité des sols de la Palmyrène et montre, à l’aide de comparaisons ethnographiques et historiques, que leur rendement pouvait être très important.

 

       Les trois chapitres suivants traitent d’histoire économique et sociale. Après avoir présenté la documentation témoignant de la présence de Palmyréniens en Égypte, en Arabie du Sud et à Socotra, M. A. Cobb explore les facteurs explicatifs de la participation des Palmyréniens au commerce en mer Rouge : déclin des relations commerciales entre Palmyre et le golfe Arabo-persique, présence de soldats d’origine palmyrénienne dans le désert oriental, profitabilité du trajet. E. H. Seeland s’interroge sur les acteurs du commerce caravanier à Palmyre : une nouvelle élite, dont la richesse et le statut seraient fondés, non sur une autorité aristocratique héritée, mais sur le grand commerce, apparaîtrait au IIe-IIIe siècle apr. J.-C. La contribution d’A.-C. Sander porte précisément sur la représentation et la construction de l’identité des élites : une singularité de Palmyre résiderait dans la composante militaire ou guerrière de leur pouvoir. Les deux contributions se complètent mutuellement plus qu’elles ne se contredisent.

 

       L’une des principales sources sur le rôle d’Odeinath dans la défense de l’empire, l’usurpation de Zénobie et la « chute » de Palmyre est l’Histoire Nouvelle de Zosime (I, 39 ; 44 ; 50-61). G. Müller étudie sa méthode, ses sources et ses objectifs.

 

       Le dernier chapitre, rédigé par A. Will, ramène brutalement le lecteur à la réalité présente. Il s’agit d’un texte prospectif rédigé en juillet 2018 sur les scénarios possibles de l’avenir de la Syrie. Malheureusement pour les Syriens et pour Palmyre, ces prévisions se sont révélées justes : il n’y pas eu de paix ni de démocratisation et il est toujours vrai que c’est de l’extérieur que se décide le destin de la Syrie.

 

       La bibliographie générale est en fin d’ouvrage et suivie d’un index des sources et d’un index général. Comme souvent dans les ouvrages collectifs, on peut regretter une conclusion qui mette en évidence l’unité de l’ensemble des contributions.

 

       Un document important, signalé par M. A. Cobb (p. 73), n’a pas été pris en compte dans la réflexion sur le rôle géopolitique de Palmyre. Il s’agit d’une inscription sabéenne publiée en 2016[4], datée par ses éditeurs du IIIe siècle apr. J.-C. et commémorant une ambassade sabéenne à travers la péninsule Arabique et le Proche-Orient : parmi les étapes de cette ambassade sont distingués « le pays de Tadmor », le « pays des Nabatéens » et le « pays des Romains ». Or au IIIe siècle, excepté pendant les brèves années de l’usurpation de Zénobie, « Tadmor », c’est-à-dire Palmyre, est sans conteste une cité de l’Empire romain. Quant au « pays des Nabatéens », il est devenu la province romaine d’Arabie en 106 apr. J.-C. Que déduire de ce texte ? Le plus probable n’est pas qu’au moment de l’ambassade Palmyre et la province d’Arabie ont fait sécession, mais que d’un point de vue extérieur, les entités frontalières, qu’il s’agisse d’une cité ou d’une province, sont reconnues comme telles et peuvent être des lieux d’activités diplomatiques, ce qui somme toute n’est pas étonnant. Une réflexion plus générale sur le fonctionnement de l’Empire romain et le rôle des cités dans le maintien de l’ordre sur leur territoire et, quand elles se trouvent en zone de confins, les relations avec les populations extérieures à l’Empire romain auraient aussi pu ouvrir de nouvelles perspectives.

 

       L’ouvrage n’est pas une somme définitive et n’a pas non plus vocation à révolutionner les études palmyréniennes, mais chaque chapitre a été rédigé avec soin et sérieux, et surtout les auteurs ne cherchent pas à éluder les débats, mais au contraire à ouvrir des discussions. Ce sont là de vraies qualités, qui méritent d’être saluées.

 

 


[1] L’une de ces monographies est de la plume de M. Sommer lui-même : Palmyra: a history, Abingdon, Oxon/ New York, NY, Routledge, 2018 ; plus récemment, M. Gawlikowski, Tadmor – Palmyra. A Caravan City between East and West, Cracovie, IRSA, 2021.

[2] H. Eristov, J.-B. Yon, C. Allag, K. Abdallah, Le tombeau des trois frères à Palmyre, Beyrouth Damas Amman, Presses de l’IFPO, 2019

[3] H. Ingholt, R. Raja, J. Steding, J.-B. Yon, Excavating Palmyra: Harald Ingholt’s excavation diaries. A transcript, translation, and commentary, Turnhout, Brepols, 2021

[4] J. Schiettecatte, M. Arbach, « The political map of Arabia and the Middle East in the third century AD revealed by a Sabaean inscription. », Arabian Archaeology and Epigraphy 27/2, 2016, p. 176-196.


 

Table des matières

 

Préface, 7

 

1. Inter duo imperia. The Palmyrenes between East and West (M. Sommer), 9

 

2. Oasis-polis. Tadmur-Palmyra as a Greek city in the Roman world (or not) in five episodes (T. Kaizer), 23

 

3. Gateway Tadmur. The beginnings of Palmyra's long-distance trade (M. Sommer), 37

 

4. Palmyra. Marginal agriculture in a marginal landscape? (J. C. Meyer), 47

 

5. Palmyrene merchants and the Red Sea trade (M. A. Cobb), 65

 

6. The rise of the merchant princes? Scale, status and wealth in Palmyrene trade (E. H. Seeland), 85

 

7. On the edge of empire. Elite representation and identity building in Roman Palmyra (A.-Chr. Sander), 95

 

8. Μείζονα πράγματα. Persians, Romans and Palmyra in Zosimus'historiography (G. Müller), 109

 

9. The political powers of Syria. War aims, scenarios and perspectives for a country in civil war (A. Will), 129

 

Contributors, 141

 

Bibliography, 143

 

List of illustrations, 161

 

Index locorum, 163

 

General index, 165