Thomas, Ariane - Potts, Timothy (ed.): Mesopotamia. Civilization begins (cat. exp.), 236 p., 9 x 11,5 inches, 262 color + 33 b/w ill., ISBN : 978-1-60606-649-2, $ 65
(J.Paul Getty museum, Los Angeles 2020)
 
Reseña de Laura Battini, CNRS
 
Número de palabras : 1427 palabras
Publicado en línea el 2023-03-27
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3949
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      Mesopotamia. Civilization Begins dirigé par Ariane Thomas et Timothy Potts (éditions Paul Getty Museum, Los Angeles, 2020) est un livre édité à l’occasion de l’exposition du même nom, tenue au J. Paul Getty Museum de Los Angeles en 2020 et organisée par le Louvre et le J. Paul Getty Museum. Une petite note en face de la table des matières fait allusion au livre L’histoire commence en Mésopotamie, édité par Ariane Thomas en 2016 (éditions SNOECK, Gent) à l’occasion de l’exposition du même nom tenue au Louvre-Lens. Si la sobre note parle d’adaptation, en réalité il s’agit juste d’une traduction en anglais du livre de 2016 : à part la préface et un article, la table des matières est la même, les auteurs aussi, les titres et même les sous-titres des articles sont les mêmes. La mise en page certes change un tout petit peu : le livre de 2016 est constitué de 400 pages puisqu’il présente 445 objets contre les 128 objets de l’édition anglaise qui se compose donc seulement de 220 pages. La table des matières qui présentait des sections dans la version française a été simplifiée et les articles de la version anglaise se trouvent en succession libre et non organisée en parties (Table I).

 

Table I. Tables de matières dans les versions française et anglaise

Version Française

Version Anglaise

Introduction

« L’histoire commence en Mésopotamie ? » par A. Thomas

Introduction: « Does Civilization Begin in Mesopotamia? » by A. Thomas, 1

     ––––

« The Mesopotamian Collection of the Louvre Museum » by A. Thomas, 7

(Re)découvrir la Mésopotamie

« La découverte de la Mésopotamie » par N. Chevalier

« La Mésopotamie vue par les modernes » par M. Seymour

« La Mésopotamie dans l’imaginaire moderne »

« The Rediscovery of Ancient Mesopotamia » by N. Chevalier, 13

« Ancient Mesopotamia in Modern Culture » by M. Seymour, 20

« Mesopotamian in Modern Imagery », 28

L’économie mésopotamienne

« Une économie pionnière » par C. Michel

« A Pioneering Economy » by C. Michel, 30

Un monde religieux

« La Mésopotamie : un monde religieux » par B. R. Foster

« A Religious World » by B. R. Foster, 36

Premières villes

« Villes de Mésopotamie d’Uruk à Babylone » par P. Butterlin

« L’architecture en argile en Mésopotamie » par P. Azara

« First Cities: from Uruk to Babylon » by P. Butterlin, 42

« Clay Architecture in Mesopotamia » by P. Azara, 49

Première écriture

« L’écriture cunéiforme de la tradition des scribes » par B. André-Salvini

« First Writing: Cuneiform and Scribal Tradition » by B. André-Salvini, 53

Premiers rois, premières dynasties

« Lorsque la royauté est descendue du ciel » par D. Charpin

« First Kingdoms: ‘When Kingship Descended from Heaven…’ » by D. Charpin, 60

Premiers empires

« Guerre et paix » par Z. Bahrani

« La Mésopotamie vue de l’extérieur » par F. Joannès

« War and Peace: From the Birth of the State to the Great Empires » by Z. Bahrani, 66

« Ancient Mesopotamia Viewed from the Outside » by F. Joannès, 72

Épilogue

« Voyage imaginaire de la Mésopotamie à l’Irak » par A. Thomas

« De la Mésopotamie à l’Irak en quelques images de 1850 à nos jours »

« Epilogue: An Imaginary Journey from Mesopotamia to Iraq » by A. Thomas, 76

« From Mesopotamia to Iraq, 1850 to the Twentieth Century », 84

 

            On remarque un habillage nouveau de la version anglaise : les figures parsèment le texte, alors qu’elles sont regroupées dans la version française. Le catalogue se trouve à la fin du livre, tandis que dans la version française il était réparti dans les différents chapitres. Et pourtant, les images sont identiques pour chaque article des deux livres : la carte du Proche-Orient qui se trouve avant la chronologie est la même et à la même position (avant la chronologie) que la carte de la version française ; les images de chaque article anglais sont identiques à celles de l’article correspondant dans le livre français. On remarque l’insertion d’une ou deux images nouvelles dans six articles anglais sur quinze par rapport à la version française (Table II) :

 

Table II. Sept figures changées dans six articles

la figure n.5 pour l’introduction

la figure n.15 pour le deuxième article (« The Rediscovery of Ancient Mesopotamia »)

les figures n .21 et 22 pour le troisième article (« Ancient Mesopotamia in Modern Culture »)

la figure n.27 pour le quatrième article (« Mesopotamian in Modern Imagery »)

la figure n.52 pour le huitième article (« Clay Architecture in Mesopotamia »)

la figure n.68 pour le onzième article (« War and Peace: From the Birth of the State to the Great Empires »)

 

       Des modifications légères, comme l’ajout ou le changement de sept images ou la position des images dans le texte, ne modifient en rien l’essence du livre : Mesopotamia. Civilization Begins est la traduction du livre français L’histoire commence en Mésopotamie. Il y a déjà eu deux recensions de la version française, je me limiterai donc ici à quelques remarques.

           

       L’organisation du livre est rationnelle : après la découverte de l’Orient et de ce que cette découverte provoqua en Occident, le livre retrace les aspects essentiels de la vie en Mésopotamie à l’époque historique pour terminer avec un voyage imaginaire en Iraq.

 

       L’introduction est assez générale et pose une question ‘grand public’ : il est clair que l’histoire ne commence pas en Mésopotamie, malgré l’apport important de cette civilisation dans le développement humain. Mais c’est ici que se trouve la justification du caractère très nationaliste de l’exposition : cette dernière a été faite pour montrer le rôle majeur du Louvre dans la découverte des Sumériens ; et c’est pour cette raison que l’exposition a repris le titre d’un ouvrage de Samuel Noah Kramer des années 50, History begins at Sumer (1956, University of Pennsylvania Press). Cela explique bien le contenu du premier article (« The Mesopotamian Collection of the Louvre Museum » par Ariane Thomas) et du deuxième (The Rediscovery of Ancient Mesopotamia » par Nicole Chevalier) : le premier est le seul nouveau par rapport à la version française ; il s’agit d’une présentation honnête des collections du Musée du Louvre, mais étonnamment sans aucune question éthique concernant la provenance des objets, surtout ceux issus du marché antiquaire. Le deuxième article ne considère que l’apport français à la découverte de l’Orient. Or, étant donné que l’exposition se tenait aux États Unis, il aurait été intéressant de retracer aussi la découverte américaine de l’Orient.

           

       Dans la partie qui retrace les aspects essentiels de la vie en Mésopotamie à l’époque historique sont donc prises en compte l’économie, la religion, la naissance de la ville, l’invention de l’écriture, des formes politiques, la guerre et la vision de la Mésopotamie par les peuples voisins. Chaque chapitre a des limites imposées par le volume total de l’ouvrage et par le public auquel le livre s’adresse. Mais les informations les plus importantes sont données et dans un style agréable à lire pour un public non scientifique, avec un nombre réduit de notes. Il peut y avoir des imprécisions, j’en remarque une au passage : dans le onzième chapitre (« War and Peace : From the Birth of the State to the Great Empires » par Zainab Bahrani) on affirme que le roi néo-assyrien n’est jamais représenté tuant des ennemis. Cette remarque est tendanciellement vraie, mais à Khorsabad, Sargon II est représenté au moins deux fois tuant un ennemi (salle 8, relief 12 ; salle 2, relief 18). Car la violence du roi est un message adressé à sa cour, la principale récipiendaire des bas-reliefs du palais.

           

       Le livre se termine avec deux chapitres (« Epilogue : An Imaginary Journey from Mesopotamia to Iraq » et un chapitre composé d’images uniquement : « From Mesopotamia to Iraq, 1850 to the Twentieth Century ») dans lesquels on est invité à voyager en Iraq, de façon imaginaire étant donné les conditions politiques. Ce voyage montre la continuité entre la Mésopotamie et l’Iraq d’aujourd’hui en ce qui concerne les villes et l’histoire. Bien qu’évocateur, ce chapitre aurait dû être accompagné d’une conclusion plus ciblée qui mette en relief combien la société actuelle -pas seulement iraquienne- doit à la Mésopotamie, pour rappeler que sans l’invention de l’écriture, de la ville, des formes politiques, de l’administration, des formes artistiques (entre autres inventions), nous ne vivrions pas aujourd’hui de la même manière. D’ailleurs, les deux chapitres de Seymour (« Ancient Mesopotamia in Modern Culture » ; « Mesopotamian in Modern Imagery ») qui analysent bien la fascination occidentale pour le Proche-Orient ancien, auraient été mieux placés dans les conclusions plutôt qu’au début du livre.

           

       En conclusion, cette traduction en anglais du livre L’histoire commence en Mésopotamie, (édité par Ariane Thomas en 2016 aux éditions SNOECK, Gent) était nécessaire pour le public américain non spécialiste mais elle aurait dû corriger les quelques défauts de l’ouvrage français et être mieux adaptée au contexte, en ajoutant au moins un article sur la découverte de l’Orient par les Américains, un autre sur les collections américaines ainsi qu’une conclusion plus ciblée.