D’Hainaut-Zveny, Brigitte - Dierkens, Alain - Pion, Constantin (éd.): Iconographie médiévale entre Antiquité et art roman. D’acanthes et d’écailles. Recueil d’articles de Jacqueline Leclercq-Marx (coll. Les Études du RILMA / ETRILMA 9). 470 p., 25 b/w ill. + 135 colour ill., 21,0 x 29,7 cm, ISBN: 978-2-503-57555-1, 120,00 €
(Brepols, Turnhout 2019)
 
Reseña de Emeline Retournard, Université Clermont-Auvergne
 
Número de palabras : 2350 palabras
Publicado en línea el 2023-12-14
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3856
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       Iconographie médiévale entre Antiquité et art roman. D’acanthes et d’écailles. Recueil d’articles de Jacqueline Leclercq-Marx, constitue un recueil de scripta varia, la réunion en un seul ouvrage d'un peu moins d’une trentaine d'articles de l’historienne de l’art belge Jacqueline Leclerq-Marx, spécialiste des figures monstrueuses de tradition gréco-romaine dans l’art médiéval. Ces articles, publiés de 1975 à 2014, sont tirés de divers ouvrages, revues et actes de colloques scientifiques.

 

       L’introduction, rédigée par les trois directeurs de l’ouvrage, insiste sur le caractère bienveillant et solaire de Jacqueline Leclercq-Marx ainsi que sur la pluridisciplinarité et la rigueur scientifique du travail de l’autrice. Ces dernières sont notamment visibles au niveau de la composition de l’ouvrage. Certes, le travail de la chercheuse porte sur l’iconographie médiévale, mais elle ne se limite pas à un seul thème, à une unique discipline et à un support distinct. Les travaux sont systématiquement enrichis de comparaisons avec les sources textuelles antiques romaines et grecques. Ainsi, grâce à ce livre, le lecteur perçoit la curiosité intellectuelle et la nature polymathe qui caractérisent Jacqueline Leclercq-Marx depuis plus de 40 ans de recherche en histoire de l’art médiévale.

 

       L’ouvrage se compose de 28 articles en français, sélectionnés parmi les 89 références de la récipiendaire (jusqu’en 2019) et numérotés en chiffres romains, répartis en quatre parties : « Transferts, emprunts et réappropriations » (p. 29-103), « Cosmologie et Bestiaires » (p. 105-174), « Entre anthropologie et histoire naturelle » (p. 175-263) et « Signatures d’artistes, autoportraits et analyses des initiales historiées de la Bible de Lobbes » (p. 265-322). Chaque section possède un passage introductif rédigé par des chercheuses et chercheurs en histoire de l’art et histoire médiévale : Xavier Barral i Altet, Rémy Cordonnier, Christian Heck et Cécile Treffort. Entre l’introduction et la bibliographie, Jacqueline Leclercq-Marx propose un article inédit (« Sirenes usque in exitieum dulces, l’histoire d’une recherche », p. 13-16) expliquant son parcours de recherche, sa méthodologie ainsi que ses choix et ses intérêts portés aux sujets développés dans le livre. Cette partie explicative permet de mieux comprendre les fils conducteurs de la recherche de la chercheuse et comment tous ces thèmes, à première vue parfois éloignés les uns des autres, sont bien plus liés qu’il n’y paraît. Les articles rassemblés dans cet ouvrage sont signalés dans la bibliographie de Jacqueline Leclercq-Marx par un astérisque. Dès lors, on notera des changements plus ou moins légers dans les titres de certains articles par rapport aux publications originales. De même, il se trouve un petit décalage, dans les deux sens, entre les articles republiés dans l’ouvrage et les astérisques signalant les publications reproduites dans le livre. Les figures, d’une qualité remarquable et d’une incroyable variété, sont majoritairement en couleurs et se trouvent rassemblées à la fin de l’ouvrage. Quant aux références bibliographiques, elles sont regroupées dans les notes à la fin de chaque article. Enfin, les trois index (des noms de personnes, des noms de lieux et des manuscrits et des incunables) sont placés entre le dernier article et les images. Ils témoignent d’une grande rigueur dans leur conception et s’avèrent donc très utiles.

 

       Les articles compilés dans l’ouvrage ne sont pas classés par ordre chronologique mais thématique. Ainsi, la première partie se compose de huit articles introduits par un texte de Xavier Barral i Altet présentant le travail de Jacqueline Leclercq-Marx à propos des re-créations médiévales. Cette partie traite de quelle façon les symboles et figures antiques mythiques sont incorporés dans l’iconographie médiévale. Ceux-ci (sirènes, centaures, minotaures, Terre-Mère et Sept Merveilles du Monde) peuvent être modifiés morphologiquement, comme la sirène-oiseau qui devient une sirène-poisson (article n° I), ou symboliquement, telle l’allégorie de la Terre-Mère nourricière qui se transforme en une femme symbole de luxure (n° II). Ainsi, la figure du Minotaure est assimilée au diable cornu (n° IV) et les Sept Merveilles du Monde antique sont transposées dans la culture chrétienne médiévale (n° VIII). Les autres articles de cette partie traitent des variations de représentations à l’époque médiévale des dieux antiques dans le manuscrit Les Chroniques du Hainaut (n° III), des animaux fantastiques (comme le centaure ; articles n° I et V) et de quelle manière des inscriptions peuvent les accompagner (n° VI) ou encore, de l’apparition divine de Constantin pendant son sommeil (n° VII).

 

       La seconde partie se compose de sept articles précédés d'une présentation de la section par Rémy Cordonnier. Ce dernier y mentionne notamment la précision de Jacqueline Leclerc-Marx dans ses recherches et sa rigueur dans la nomination des termes utilisés dans ses publications, notamment dans celles portant sur les Bestiaires et les animaux hybrides. D’ailleurs, cette section de l’ouvrage se focalise sur le thème de l’hybridité : animale, humaine et spatiale. Cette thématique est le domaine de prédilection de Jacqueline Leclercq-Marx depuis sa thèse soutenue en 1986 à l’Université libre de Bruxelles sur le sujet de La sirène dans la pensée et dans l’art du Moyen Âge (IIe-XIIe siècle) : antécédents culturels et réalités nouvelles. Ce travail doctoral, couronné de plusieurs prix et republié en 2001, est maintenant disponible en ligne sur le site de la revue KOREGOS, soutenue par l’Académie royale de Belgique. Dans les deux premiers articles de cette partie (n° IX et X), il est question des mondes terrestres et aquatiques et de leurs interactions. L'article suivant (n° XI) parle de la question de la vision médiévale de l’Autre, ou comment les autres peuples, non chrétiens, paraissent monstrueux aux yeux de l’Occident médiéval. Les derniers articles de cette section (n° XII à XV) s’intéressent à la question des Bestiaires médiévaux et leurs rapports avec les Physiologi antiques. Concernant ces supports, Jacqueline Leclerc-Marx évoquait dans son article inédit, au début du livre, participer prochainement à un projet commun de recherche à propos du Phisiologus de Bruxelles (Xe s.) et que cela serait l’occasion de boucler un cycle de recherche en y apportant de nouvelles données tout en reprenant ces travaux précédemment publiés.

 

       La troisième partie, à la croisée de l’anthropologie et de l’histoire matérielle, est divisée en huit articles précédés d’une introduction de Christian Heck. Le premier article de cette section (n° XVI) traite des couleurs de peaux, véritables « marqueurs culturels », et de leurs figurations au Moyen Âge. L’article suivant (n° XVII) s'intéresse aux motifs des ex-votos au Moyen Âge haut et central. Le troisième article de la partie (n° XVIII) évoque le rapport au « mauvais » argent dans la sculpture romane et la symbolique de ses représentations. Le quatrième article (n° XIX) s’interroge sur le statut de la sirène et du centaure en tant qu’êtres semi-humanoïdes et donc de leur possible humanité (Salut de l'âme, descendance, etc.). L’article suivant (n° XX) porte sur un corpus de cloches inscrites des IXe-XIIe s.,  mais également sur leurs liens avec la symbolique et la représentation des Vents. Le sixième article de cette partie (n° XXI) traite des décors des cheminées monumentales médiévales et comment ces éléments s’intègrent dans le décor de la pièce où ils sont situés. Les deux derniers articles de cette section (n° XXII et XXIII) sont consacrés aux imitations et inspirations des tissus « orientaux » (les soieries façonnées importées du monde byzantin, islamique et proche-oriental) principalement dans les peintures murales.

                 

       La quatrième et dernière partie de l’ouvrage est constituée d’une présentation de Cécile Treffort suivie de cinq articles. Le thème général de cette section porte sur les signatures d’artiste, leurs autoportraits et les épigraphes. Les trois premiers papiers (n° XXIV à XXVI) s'intéressent aux signatures et autoportraits des orfèvres, pour toute la période médiévale pour le premier, au Haut Moyen Âge pour le second et plus particulièrement au sujet du chapiteau « de Heimo » dans la basilique Notre-Dame de Maastricht pour le troisième. L’avant-dernier article (n° XXVII) est dans la continuité thématique des précédents en confrontant spécifiquement le sujet à la tradition romaine. Le dernier article (n° XXVIII) aborde le thème des initiales historiées de la Bible de Lobbes, notamment au travers des indices permettant de connaître les auteurs de ces représentations et leur intention derrière le geste.

 

       Ce qui ressort de la lecture d’Iconographie médiévale entre Antiquité et art roman. D’acanthes et d’écailles. Recueil d’articles de Jacqueline Leclercq-Marx est la connaissance encyclopédique de la récipiendaire sur l’iconographie médiévale à plusieurs niveaux, qu’il s’agisse de divers créatures et animaux fantastiques ou d’autres sujets tels que la représentation des tissus orientaux, les couleurs de peaux, le « mauvais » argent, les signatures d’artistes, les initiales décorées, les vents, les décors de cheminées, les peintures murales ou encore les ex-votos médiévaux, et ce sur différents supports iconographiques (manuscrits, sculptures, mosaïques, fresques, éléments archéologiques, etc.) et à travers différents pays. Par ailleurs, l’autrice compare méthodiquement et systématiquement l’iconographie avec les sources textuelles antiques. La bibliographie complète de l’autrice, garnie de 89 références (et deux en préparation au moment de la sortie de l’ouvrage), permet au lecteur de prendre connaissance de la vaste étendue des connaissances de Jacqueline Leclercq-Marx sur d’autres sujets non abordés dans le livre, comme les sorcières, les dragons, les ours ou les souris. Il permet également de voir que le patrimoine belge tient une place importante dans le cœur et dans les recherches de Jacqueline Leclerc-Marx. Il témoigne de la connaissance exhaustive de la chercheuse sur la réception de l’Antiquité dans la culture médiévale occidentale et montre aussi de quelle façon l’histoire de l’art contribue à la connaissance de l’histoire culturelle et à la culture matérielle. Enfin, il nous rappelle également que certains travaux de Jacqueline Leclercq-Marx sont pionniers dans la discipline, notamment ceux sur les signatures d’artistes, et présente de quelle façon cette chercheuse productive et insatiable influence et dynamise la recherche en histoire de l’art médiévale depuis plus de 40 années de recherche.

 

       En résumé, ce livre est l’anthologie du travail d’une chercheuse prolifique et inspirante en histoire de l’art médiéval offerte au monde par des collègues et amis, eux-mêmes historiens de l’art ou historiens du Moyen Âge, souhaitant lui témoigner leur reconnaissance. Il s’agit d’un ouvrage d’une très grande qualité, tant au niveau de l’objet en lui-même, qu'au niveau de son contenu. Le Moyen Âge y apparaît dans toute sa complexité et sa beauté.

 

 

 

Sommaire

 

Jacqueline Lerclercq ou l’histoire d’une passion Brigitte D’Hainaut-Zveny, Alain Dierkens et Constantin Pion, p. 9

Sirenes usque in exitium dulces, l’histoire d’une recherche Jacqueline Leclercq-Marx, p. 13

Bibliographie de Jacqueline Leclercq-Marx, p. 17

 

Transferts, emprunts et réappropriations

Jacqueline Leclercq : un regard imaginatif vers les re-créations médiévales Xavier Barral i Altet, p. 27

I. Prototypes antiques et re-créations médiévales : le cas de quelques monstres anthropomorphes (sirènes, centaures et minotaures), p. 29

II. De la Terre-Mère à la Luxure. À propos de « La migration des symboles », p. 39

III. La représentation des dieux antiques dans le premier volume des Chroniques de Hainaut (Bruxelles, KBR, ms. 9242). L’image, le texte, le contexte et la postérité, p. 45

IV. Les avatars d’un mythe antique au Moyen Âge. Thésée et le minotaure aux époques préromane et romane, p. 59

V. Le centaure dans l’art préroman et roman. Sources d’inspiration et modes de transmission, p. 71

VI. Les œuvres romanes accompagnées d’une inscription. Le cas particulier des monstres, p. 83

VII. Les visions constantiniennes et leur écho dans l’art occidental (c. 800-c. 1200). Les mots et les images, p. 91

VIII. L’intégration des Sept Merveilles du Monde à la culture chrétienne. Entre survivance et réinterprétation, p. 97

 

Cosmographie et Bestiaires

La sirène, le centaure et autres merveilles : les sources antiques de l’hybridité dans l’esthétique des bestiaires et des cosmographies médiévales Rémy Cordonnier, p. 107

IX. L’idée d’un monde marin parallèle du monde terrestre. Émergence et développements, p. 111

X. Les Eaux supérieures (Gen. 1,6) dans la peinture du Moyen Âge. Synthèse critique, p. 119

XI. La localisation des peuples monstrueux dans la tradition savante et chez les illitterati (VIIe-XIIIe siècles). Une approche spatiale de l’Autre, p. 127

XII. De l’art antique à l’art médiéval. À propos des sources du Bestiaire carolingien et de ses survivances à l’époque romane, p. 139

XIII. La sirène et l’(ono)centaure dans le Physiologus grec et latin et dans quelques Bestiaires. Le texte et l’image, p. 143

XIV. Drôles d’oiseaux. Le caladre, le phénix, la sirène, le griffon et la serre dans le Physiologus, les Bestiaires et les grandes encyclopédies du XIIIe siècle. Mise en perspective, p. 153

XV. L’illustration du Physiologus grec et latin, entre littéralité et réinterprétation de l’allégorie textuelle. Le cas des manuscrits Bruxellensis 10066-77 et Smyrneus B.8, p. 165

 

Entre anthropologie et histoire matérielle

Quand les choses font sens : fondements matériels et formels d’une anthropologie culturelle des images médiévales Christian Heck, p. 177

XVI. La couleur de la peau dans le Moyen Âge central. Perception et représentations, p. 181

XVII. Des dons pas comme les autres. Les ex-voto dans le Moyen Âge haut et central, p. 189

XVIII. Le rapport au gain illicite dans la sculpture romane. Entre réalités socio-économiques, contacts de culture et réseaux métaphoriques, p. 197

XIX. Du monstre androcéphale au monstre humanisé. À propos des sirènes et des centaures, et de leur famille, dans le haut Moyen Âge et à l’époque romane, p. 211

XX. VOX DEI CLAMAT IN TEMPESTATE. À propos de l’iconographie des Vents et d’un groupe d’inscriptions campanaires (IXe-XIIe siècles), p. 219

XXI. Entre archéologie et histoire matérielle. Pour une étude du décor des cheminées médiévales, p. 225

XXII. L’imitation des tissus « orientaux » dans l’art du Haut Moyen Âge et de l’époque romane. Témoignages et problématiques, p. 233

XXIII. Le décor aux griffons du Logis des Clergeons (cathédrale du Puy) et l’imitation des tissus « orientaux » dans l’art monumental d’époque romane en France. Tour d’horizon, p. 247

 

Signatures d’artistes, autoportraits et analyses des initiales historiées de la Bible de Lobbes

« Un texte où ce qui compte finalement est l’au-delà des mots... »Cécile Treffort, p. 267

XXIV. Les signatures d’orfèvres au Moyen Âge. Entre sociologie, théologie et histoire, p. 271

XXV. Signatures iconiques et graphiques d’orfèvres dans le haut Moyen Âge. Une première approche, p. 285

XXVI. Le chapiteau d’Heimo (Maastricht, Basiliek Onze-Lieve-Vrouw). Le point sur l’inscription et sur la scène de donation, p. 295

XXVII. Des mots qui posent question. Les « signatures » d’artisans dans le Haut Moyen Âge (Ve-Xe siècles), p. 303

XXVIII. Bible de Lobbes. Les initiales historiées. Quelques hypothèses et apports nouveaux. L’iconographie, p. 313

 

Index
Index des noms de personnes, p. 323
Index des noms de lieux, p. 331
Index des manuscrits et des incunables, p. 342

Illustrations, p. 347