Carozza, Laurent - Marcigny, Cyril - Talon, Marc (dir.): L’habitat et l’occupation des sols à l’âge du Bronze et au début du premier âge du Fer (Recherches archéologiques n°12), 22.0 x 28.0 cm, 376 p., ISBN : 978-2-271-11587-4, 37 €
(CNRS Editions, Paris 2017)
 
Reseña de Michel Chossenot
 
Número de palabras : 1656 palabras
Publicado en línea el 2023-01-26
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=3461
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       En collaboration avec le CNRS, l’Institut National de la Recherche en Archéologie Préventive (INRAP) a déjà publié une vingtaine de monographies concernant des sites, des matières premières ou des périodes archéologiques ; c’est dans cette dernière catégorie que s’inscrit ce volume sur l’âge du Bronze, qui a réuni 55 auteurs. L’ouvrage compte 342 pages de textes, divisées en XVI chapitres, 31 pages de bibliographie et 209 figures et tableaux. Après l’introduction, les A. étudient XII régions continentales, puis les données carpologiques et de l’alimentation carnée, suivies par la conclusion.  

 

       Les A. précisent tout d’abord leurs intentions : dresser un état des lieux concernant cette période charnière entre 1200 et 650 avant notre ère environ, à partir de l’abondante documentation issue surtout des fouilles préventives et réaliser des synthèses régionales provisoires, phase préalable pour mieux la situer dans un cadre européen. Il a fallu pour cela susciter des équipes de chercheurs dans chaque région et mettre en place un calendrier. Quelques difficultés sont alors apparues concernant l’harmonisation des bases de données personnelles constituées par certains d’entre eux et les chronologies. Un colloque, à Bayeux en 2011, a permis de réaliser une synthèse préparatoire à cette publication. Les données paléo-environnementales et paléo-économiques ont été fournies par des laboratoires spécialisés.

 

       L’étude suit le découpage administratif des régions où sont implantés les services de l’État et ceux de l’INRAP et donc la documentation scientifique utilisée ; découpage qui s’accorde mal avec la géographie et surtout l’aire de diffusion des cultures archéologiques qui souvent débordent le cadre national et se rattachent à des ensembles plus larges bien au-delà de nos frontières. L’âge du Bronze, dans le Nord-Ouest, a d’importantes relations avec la Grande-Bretagne et le Bronze final, pour une bonne partie du Centre et de l’Est, avec l’Europe centrale (ex- Culture des Champs d’Urnes »). Ces difficultés sont en partie compensées par des fouilles programmées, des Programmes Collectifs de Recherches (PCR), des thèses qui couvrent des espaces plus conformes à ces cultures archéologiques.

 

       Les A. insistent beaucoup sur le tri sélectif des données qui ignore donc les travaux anciens antérieurs à la mise en place des fouilles préventives en 2001 à l’exception de quelques sites emblématiques ou des synthèses régionales. 

 

       Cette étude ne couvre que 12 régions puisque la Franche-Comté-Jura, l’Auvergne, l’Aquitaine, la Provence-Côte d’Azur ne sont pas étudiées et 19 autres départements ne le sont que partiellement, soit environ le tiers du territoire français.

 

       Chaque étude régionale suit le même plan imposé, soit : un état des lieux, une délimitation du cadre géographique, un historique de la recherche, une critique de la documentation, un état de la recherche, la chronologie régionale, l’habitat, le funéraire (architecture et pratiques), le territoire et une conclusion. Ces synthèses comptent 13 à 27 pages, reflétant l’importance relative de la documentation ; elles ont été rédigées par un auteur seul (deux cas), mais le plus souvent par un collectif de six personnes au maximum. Les illustrations y sont nombreuses et de qualité, allant de quatre figures jusqu’à plus d’une trentaine : des photographies aériennes, des cartes de localisation des sites, des tableaux divers (typologies du mobilier par période, de la céramique seule, faisant référence aux différents systèmes chronologiques – système allemand, français septentrional, méridional).

 

       Passer en revue les douze régions étudiées ne fournirait qu’un catalogue avec de nombreuses redites, aussi nous limiterons-nous à quelques remarques. L’article sur la Normandie donne une image déjà bien aboutie de cette période, particulièrement dans le domaine de l’habitat avec des fermes aux bâtiments sur sol excavé, des fours à sole suspendue et surtout une organisation du territoire avec des parcellaires, des chemins suivis de plusieurs kilomètres, des dikes, sorte de rempart délimitant des territoires (sortes de chefferies) dont une de 3 500 ha. Outre une typochronologie du mobilier céramique et de l’habitat, en trois tableaux chacune et une évolution des types de construction et des contextes funéraires, les A. proposent même une modélisation des formes d’emprise territoriale (p. 53-77).

 

       Certains auteurs dans leur article utilisent des termes moins convenus : ainsi à la place de « habitat », ils préfèrent : lieux de vie ; de « nécropole » : lieux pour les morts et pour « territoire »  : territoire exploité, termes qui semblent mieux convenir à leur approche du sujet (p. 220-227).

 

       Certains abordent des questions comme les productions, artisanales, agricoles et industrielles (métal). À ce sujet, les dépôts d’objets en bronze (haches, épées, bijoux) dont l’interprétation a soulevé beaucoup de questions sont l’objet d’études spécifiques.

 

       Les deux chapitres concernant les données carpologiques et l’alimentation carnée nous donnent une image plus générale touchant cette fois à une bonne partie de la France.

 

       Le premier est intitulé « Ressources et économie en France à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer, les données carpologiques ». Les recherches dans ce domaine se sont développées depuis les années 1980-1989, surtout grâce aux opérations préventives qui comptent pour plus de 70 %. Au total, 272 sites, essentiellement des habitats de plein air, ont été retenus. Ils concernent surtout le tiers ouest de la France. Les céréales arrivent largement en tête : l’orge polystique vêtue, l’amidonnier, le millet commun et le blé nu sont les plus communs, toutes régions confondues, suivies par l’orge nue, l’engrain et l’épeautre. L’avoine et le blé vêtu commencent leur carrière. Les légumineuses : lentille, pois, ers, puis fève sont relativement communes également, suivies par la vesce, la gesse et le pois chiche. Les oléagineux, caméline, lin et pavot sont mal conservés après carbonisation et certainement sous-représentés. La bette, le fenouil, la coriandre et l’aneth ont été consommés comme légumes ou condiments. Les fruits consistent en noisettes, glands de chêne, prunelles, sans oublier les fruits à pépins : ronces, baies de sureau, de vigne et de figuier. Des cartes illustrent clairement la dynamique tout au long de la période étudiée et un important inventaire recense tous les sites choisis pour chaque département (p. 314-326).

 

       Les consommations carnées à l’âge du Bronze : bilan et perspectives concernent 500 sites d’habitat avec de grosses lacunes pour le Sud-Ouest et le Sud-Est et de grosses disparités en nombre d’ossements étudiés. Du point de vue chronologique, le Bronze final est surreprésenté. En ce qui concerne l’élevage, le bœuf et le mouton sont largement en tête, le porc s’affirme de plus en plus au fil des siècles, le cheval et le chien se situent autour de 1 %. La chasse compte rarement pour plus de 5 % : le cerf, le sanglier sont loin devant le chevreuil, l’aurochs, le loup, le blaireau, le castor, le renard, le lièvre et quelques ours ; des oiseaux migrateurs, des poissons et des tortues complètent le tableau. Quelques sites comme celui de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne) comptent un nombre très important de vestiges qui, plus complètement étudiés, fournissent des données plus précises : ainsi l’abattage des mêmes catégories d’animaux, d’âge identique aux mêmes périodes de l’année semble bien renvoyer à des pratiques liées à des consommations ritualisées (banquets ?) ; sur d’autres sites, il semble que chaque famille élève ses propres espèces principales complétées par un chien et un cheval (p. 327-336).

 

       Dans la conclusion, les auteurs replacent leur étude dans une perspective géographique et écologique beaucoup plus large. Ainsi, pendant l’âge du Bronze, le territoire français a reçu beaucoup d’influences venant de l’Europe Centrale et du Nord des Alpes (formes de l’habitat, agriculture et élevage) et si les sociétés ont marqué de plus en plus leur emprise sur l’environnement, elles ont aussi dû s’adapter aux pulsations climatiques en modifiant leurs comportements (p. 337-342). 

 

       L’abondante bibliographie présente un joyeux mélange de références, une absence de hiérarchie qui est devenue malheureusement une habitude et où l’on retrouve pêle-mêle, en dehors des ouvrages et des articles de revues publiés, les thèses, la littérature grise : les rapports de fouilles, les articles parus dans les BSR et les catalogues d’expositions (p. 343-374).

 

 

 

Sommaire

 

Chapitre I – Introduction (L. Carozza, C. Marcigny et M. Talon avec la collaboration de F. Audouit et C.-A. Perdu) 13

Chapitre II - L’habitat et l’occupation du sol en Nord Picardie (N. Buchez, A. Henton, P. Le Guen et M. Talon) 33

Chapitre III - L’habitat et l’occupation du sol en Normandie (C. Marcigny, avec la collaboration de E. Ghesquière, D. Giazzon, B. Aubry et é. Néré) 53

Chapitre IV - L’habitat et l’occupation du sol : premier bilan synthétique pour la Bretagne (S. Blanchet, T. Nicolas et M. Fily) 79

Chapitre V - L’habitat et l’occupation du sol dans les Pays-de-la-Loire (B. Poissonnier et Y. Viau) 95

Chapitre VI - L’habitat et l’occupation du sol dans le centre-ouest de la France (Poitou, Charentes et Limousin) (I. Kerouanton, C. Maitay et J.-M. Beausoleil) 131

Chapitre VII - L’habitat et l’occupation du sol en région Midi-Pyrénées (F. Pons) 147

Chapitre VIII - Habitats, nécropoles et territoire à l’âge du Bronze et au début du premier âge du Fer en région Centre (É. Frénée, H. Froquet-Uzel, T. Hamon, F. Mercey et J.-Y. Noël) 161

Chapitre IX - Bilan des connaissances de l’habitat et l’occupation du sol à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer en Île-de-France (R. Peake, P. Brunet, V. Delattre, É. Néré, L. Boulenger et P. Gouge) 187

Chapitre X - L’âge du Bronze et le premier âge du Fer en Champagne-Ardenne : l’occupation du sol vue sous l’angle de l’archéologie préventive (V. Riquier, J. Grisard et I. Le Goff)  213

Chapitre XI - Habitats, contextes funéraires et occupation du sol au Bronze final en Lorraine  (M.-P. Koenig et T. Klag avec la collaboration de M. Michler) 241

Chapitre XII - L’Alsace et l’âge du Bronze : bilan et perspectives (M. Michler, F. Schneikert et C. Véber) 261

Chapitre XIII - L’occupation des sols et l’habitat en Bourgogne. Les départements de la Côte-d’Or, de la Saône‑et-Loire, la Nièvre et l’Yonne  (F. Ducreux) 275

Chapitre XIV - Ressources et économie agricole en France à l’âge du Bronze et au premier âge du Fer : les données carpologiques (L. Bouby, V. Zech-Matterne, A. Bouchette † , M. Cabanis, M. Derreumaux, M.-F. Dietsch-Sellami, F. Durand, I. Figueiral, P. Marinval, L. Paradis, B. Pradat, O. Rousselet, N. Rovira, C. Schaal, F. Toulemonde et J. Wiethold) 299

Chapitre XV - Les consommations carnées à l’âge du Bronze : bilan et perspectives (G. Auxiette) 327

Chapitre XVI - Pour conclure : l’habitat et l’occupation des sols durant l’âge du Bronze (L. Carozza, C. Marcigny et M. Talon)   337

Bibliographie générale 343