AA.VV.: Pierre Paulin, le design au pouvoir. Exposition Galerie des Gobelins, Paris, 2 février - 27 juillet 2008, 22x28 cm, 96 pages, 90 ill. couleur, 20 euros, ISBN 97827118544677
(Rmn, Paris 2008)
 
Compte rendu par Caroline Etter
 
Nombre de mots : 995 mots
Publié en ligne le 2008-10-19
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=286
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Cette publication de 95 pages accompagne l’exposition que le Mobilier national a consacrée au designer Pierre Paulin dans sa récente galerie des Gobelins, de février à août 2008, célébrant quarante ans de collaboration. Chargé de conserver et entretenir le mobilier des grandes institutions françaises, le Mobilier national réalise également des pièces avec des designers contemporains, par le biais de l’Atelier de Recherche et de Création (l’ARC). Réalisé entre 1968 et 2008, le mobilier présenté est représentatif à la fois de la production du designer, du travail de l’Atelier et de l’évolution des styles. Même si l’exposition présentait aussi des pièces provenant d’autres collections publiques et privées, ce livre se limite exclusivement aux créations de Pierre Paulin pour le Mobilier National. Ce choix est justifié par leur nombre et leur importance, notamment les chantiers présidentiels de l’Elysée.

 

Le premier texte du catalogue est intitulé « le design au pouvoir », titre également du catalogue et de l’exposition. Catherine Geel, historienne de l’art et commissaire scientifique de l’exposition, y détaille le travail de Pierre Paulin pour deux présidents français, successivement Georges Pompidou et François Mitterrand.

Au début des années soixante-dix, Pierre Paulin est choisi par Georges Pompidou pour réaménager les appartements de l’Elysée. Le président veut donner une grande démonstration à la fois de la modernité et de la qualité française. Ayant la contrainte de ne pas toucher à l’existant, Pierre Paulin utilise les techniques nouvelles de construction provisoire de stands et livre début 1972 un aménagement total extrêmement novateur –murs, sol, plafonds, mobilier-, aux formes arrondies caractéristiques, utilisant des structures en aluminium, des mousses, l’altuglas et le verre. Le succès est immédiat, international et cet ensemble reste une référence aujourd’hui du mobilier des années 70.

Dix ans plus tard, François Mitterrand fait à nouveau appel au designer, par le biais du Mobilier national, en limitant la commande à un ensemble bureau-salon plutôt qu’un aménagement total. Entre-temps, Pierre Paulin a produit des meubles travaillés dans les règles de l’ébénisterie et inspirés des formes classiques, revisités notamment par l’emploi de matériaux récents comme le métal et l’aluminium. C’est cette alliance de tradition et de modernité qui a séduit François Mitterrand.

Catherine Geel détaille en les comparant les conditions de la commande de Georges Pompidou et de François Mitterrand et leurs rapports respectifs avec Paulin. Elle explique que le designer comparait le premier à Louis XIV pour son esprit novateur, et le second à Louis XV pour sa volonté de s’inscrire dans la tradition. L’auteur s’attache également à montrer que Pierre Paulin, partisan de l’art pour tous, du mobilier en série et de la modernité au-delà des questions de nationalité, a conservé son intégrité dans ces commandes.

 

Pierre Paulin nous livre sa propre version dans une interview faite par Arnauld Brejon de Lavergnée, directeur des collections au Mobilier national et commissaire associé de l’exposition. Il confirme l’effort fait pour répondre dans son style aux demandes des commanditaires, contrairement au mobilier créé pour le grand public. Au cours de cet entretien très détendu, qui a eu lieu dans la maison du créateur dans les Cévennes, il est également interrogé sur l’influence dans sa formation de Maxime Old, dont il a suivi les cours à l’Ecole Camondo, et de Marcel Gascoin, auprès de qui il a travaillé. Pierre Paulin explique n’avoir pas suivi très longtemps ces apprentissages, préférant les voyages, notamment celui qui l’a mené à Rovaniemi en Finlande pour voir les réalisations d’Alvar Aalto. Parmi ses références, il cite Jean Royère, les « nordiques », les designers italiens.

 

Même s’il nie avoir suivi longtemps les enseignements classiques, Pierre Paulin maîtrise parfaitement l’histoire des styles et du mobilier et il a été invité par le Mobilier National à choisir des pièces dans sa collection. Sa sélection, présentée à l’exposition et reproduite dans ce livre, a porté sur six sièges datant de la fin de l’Ancien Régime à l’Empire. Ces meubles possèdent tous des détails novateurs ou décalés, se jouant des stéréotypes. P. Paulin a également demandé à sortir des réserves le mobilier de campagne de Napoléon, impressionné par le souci de rationalité, de résistance, d’intelligence pour le rangement et le transport dont il témoigne.

 

Le livre contient une partie catalogue, commentée par Myriam Zuber-Cupissol, inspecteur de la création artistique au Mobilier national. Les réalisations de Paulin pour l’institution sont reproduites dans l’ordre chronologique : les banquettes « bornes » pour le musée du Louvre ; le mobilier pour le pavillon d’honneur à l’Exposition universelle d’Osaka (1969) ; l’Elysée pompidolien (le salon des tableaux, le fumoir, la salle à manger – la seule encore en place) ; les meubles du début des années 80, où Paulin réinterprète des sièges canés, des bonheurs du jour ou des bureaux d’homme en bois précieux et un ensemble important pour le Conseil économique et social en 1986-87. Sont ensuite présentés les meubles commandés par François Mitterrand, principalement un bureau et sa console, une table basse, un salon de six fauteuils et un canapé, des fauteuils visiteurs et des guéridons.

 

A l’occasion de l’exposition, le Mobilier national a travaillé une nouvelle fois avec Pierre Paulin. En janvier 2007, un jury a choisi un projet de canapé deux places et un fauteuil, une version actualisée, moins « fessue » selon Pierre Paulin, du canapé pompidolien. L’Atelier de Recherche et de Création a ensuite travaillé à sa réalisation. Le catalogue en reproduit un croquis et un descriptif des travaux mais pas de photographie car il n’était pas achevé au moment de la finalisation de la publication.

 

Ce catalogue détaillant sous différents angles le travail du designer pendant quarante ans pour le Mobilier national permet de suivre l’évolution générale du travail du designer. Il met également en lumière l’activité assez méconnue de l’Atelier de Recherche et de Création du Mobilier national. Les liens entre le designer et l’institution semblent très forts, comme en témoigne la lettre de Jean Coural, ancien directeur du Mobilier national, publiée en post-face.

Pour avoir une approche plus complète du designer, plusieurs autres publications existent, dont certaines parues également en 2008 ou accompagnant l’exposition présentée à la Villa Noailles à Hyères et au Grand Hornu en Belgique.