Papi, Emanuele - Bigi, Leonardo : Oliva revixit. Oleifici, frantoi e torchi di Atene dall’antichità al periodo turco, (Studi di Topografia e di Archeologia di Atene e dell’Attica, 9), 198 p., 70 fig., 44 tav., 28 cm, ISBN : 978-88-87744-61-3, 60 €
(Pandemos, Paestum 2015)
 
Reseña de Pauline Leplongeon
 
Número de palabras : 1751 palabras
Publicado en línea el 2020-05-25
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2753
Enlace para pedir este libro
 
 

 

          Si les rapports qui unissent Athènes à l’olivier et à son huile sont largement connus et attestés par la littérature et jusque dans les mythes, E. Papi et L. Bigi se proposent, avec Oliva revixit, d’en mesurer l’ampleur et d’en éclairer la longue histoire (de l’Antiquité jusqu’à la période turque) par l’analyse des restes archéologiques présents à Athènes et dans sa banlieue proche.

           

         L’introduction présente la méthodologie employée pour mener à bien cette enquête, en commençant par le recensement, la description rapide des dispositifs et des restes de matériels oléicoles ainsi que leur localisation dans le périmètre de fouille, illustrée par des cartes aériennes. Les auteurs exposent également les problèmes de datation posés par ces vestiges qui se situeraient entre les VIe-VIIe siècles et les XVIIIe-XIXe siècles. De même, est posée la question de la distinction de l’emploi des installations à des fins oléicoles ou viticoles (ou simultanée). Au total, 162 vestiges sont finalement sélectionnés pour l’étude.

 

         Dans le premier chapitre, les auteurs reviennent sur un certain nombre de sources écrites, notamment juridiques, relatives à la production et à la commercialisation de l’huile d’olive à Athènes, nombreuses dans l’Antiquité, plus rares à l’époque byzantine. Dans une seconde partie, ils s’intéressent plus particulièrement aux données archéologiques en rappelant l’intérêt et les lacunes des travaux archéologiques antérieurs. L’évocation rapide du rôle des amphores et la présence de quelques documents figurés relatifs à l’oléiculture clôt ce chapitre.

           

         Le chapitre suivant est consacré aux restes d’installations, datant des VIe-VIIe siècles jusqu'aux XVIIIe-XIXe siècles. Sur les huit installations mises au jour, quatre étaient destinées à la production d’huile d'olive avec certitude, les quatre autres l’ayant très probablement été bien qu’un doute subsiste quant à leur emploi viticole. C'est sur l’Agora classique qu’on en trouve la plus grande concentration (4), les autres se dispersant au sud de l’Acropole, de la vallée de l’Ilisso et d’Odo Diogenous à la Plaka. Par ailleurs, ces installations sont plus particulièrement situées au sein de lieux publics ayant perdus cette fonction au cours des siècles. La majeure partie du chapitre se compose de notices descriptives détaillées accompagnées de photographies ou de plans des huileries. Ces notices fournissent la localisation GPS des sites, les mesures de grandeur et de surface, les données chronologiques et des conclusions sur l’usage oléicole exclusif ou non de l’installation. Pour finir, l’hypothèse de l’existence de trois huileries supplémentaires est présentée.

           

         Dans le troisième chapitre, il est question des différents types de moulins à huile, de pressoirs et des éléments qui les composent. Le mécanisme de chacun est décrit ainsi que leur localisation et les matériaux qui les constituent. Des éléments d’ordre chronologique sont également avancés. Pour chaque élément est dressé un catalogue de notices détaillées incluant la cote d’inventaire quand elle existe, l’emplacement, le site de découverte et/ou d’origine, le support, le matériau, l’état de conservation, les dimensions, des éléments de datation et, le cas échéant, une bibliographie. D’après l'analyse de ces données, les moulins à meule à segment sphérique et mortier concave de type trapetum, dont il reste 59 meules et 6 mortiers, étaient le dispositif dominant et traditionnel. Le nombre de meules suggère la présence de 34 à 59 huileries selon qu’une ou deux meules étaient utilisées. Pour autant, aucune donnée ne permet d’en établir une chronologie ou des variations morphologiques. Les moulins à meules avec disque et mortier à parois rectilignes ou mola olearia restent rares avec seulement deux mortiers et probablement deux meules. Un unique échantillon de moulin à meule cylindrique et mortier à la superficie plane ou légèrement concave était possiblement employé à la pâte d’olive mais d’autres usages (vinicoles) sont envisageables. Des pressoirs à pression indirecte ont été répertoriés avec 61 contrepoids issus de matériaux de récupération dont les lieux d’extraction sont dévoilés mais dont on ignore la date de fabrication et d’utilisation. Concernant les 29 bases de pressurage recensées, elles sont classées en trois catégories selon leur forme, celle de leur canal, la position de l’ouverture et le type d’ouverture. Des éléments de datation et de localisation sont donnés pour certaines, de même que le volume de moût pressé est identifiable pour deux témoins. Essentiellement de marbre, parfois de calcaire, certaines présentent des traces de réutilisation. La majorité des bases a été découverte sur le versant nord de l’Acropole. Pour les trois pressoirs à pression indirecte, seules les notices détaillées les présentent mais sans résumé comparatif.

 

         Le quatrième chapitre, richement illustré de cartes, tableaux, graphiques et schémas propose une analyse comparative des vestiges d’Athènes avec ceux issus de sites de l’Italie méridionale et de la Méditerranée orientale. Ainsi, grâce à la comparaison avec des vestiges à la datation certaine provenant d’autres sites (localisés par quatre cartes), il serait possible d’éclairer la chronologie et le fonctionnement des éléments découverts à Athènes. Il en résulte que le moulin de type trapetum semble en usage jusqu’à l’époque médio-byzantine (Xe-XIIe siècle). Les meules de ce dispositif ont essentiellement été découvertes sur l’Agora classique et romaine mais aucune chronologie ne peut être dégagée de leurs variations morphologiques. Le plus vieux moulin de type mola olearia d’Athènes daterait quant à lui de la période médio-byzantine. Concernant les contrepoids, qui se répartissent selon leur emploi au sein d’un dispositif de pressoirs à treuil ou à vis sans fin, les plus anciens proviennent des pressoirs à treuil et pourraient avoir été utilisés jusqu’à l'époque médio-byzantine. Quant aux diverses formes de bases de pressurage, les exemplaires à goutte ou à bec sont les plus vieux puisqu’on les rencontre jusqu’au VIe-VIIe siècle ap. J.-C. Aux siècles suivants, elles sont de forme quadrangulaire et le canal de récupération, gravé sur sa surface, n’en déborde pas.

 

         Le chapitre cinq examine l’usage et le fonctionnement des différents types de moulins et de pressoirs de l’Âge du Bronze aux époques byzantines dans le contexte de la Méditerranée centro-orientale afin d’en dégager une chronologie applicable au contexte grec. Il est envisageable, selon les auteurs, que l’époque du Bronze soit marquée par la meule à rouleau et que le système de presse à torsion ait été employé en Grèce jusqu’à l’époque classique. Toutefois, le pressoir à levier, apparu aux XIVe-XIIe siècle av. J.C. domine jusqu’à l’époque hellénistique. Le moulin de type trapetum apparaît quant à lui au Ve siècle av. J.-C. Le pressoir à treuil, très présent en Grèce, se développe à l’époque hellénistique et demeure le dispositif le plus largement employé jusqu’à la fin de l’Antiquité. Aux environs des premiers siècles de notre ère est inventé le pressoir à vis directe. À l’époque romaine se diffuse en Afrique du Nord et dans les régions occidentales de la Méditerranée le moulin de type mola olearia probablement déjà présent à l'époque hellénistique. La diffusion du pressoir à vis indirecte se diffuse également durant les premiers siècles de l’Empire, notamment en Bétique. Du IIIe au VIIe siècle les dispositifs à vis deviennent majoritaires et se trouvent le plus souvent dans des contextes urbains ou ecclésiastiques. Les auteurs concluent à une place essentielle de la Grèce classique et hellénistique dans la promotion des avancées technologiques. Toutefois, les traces archéologiques manquent pour la Grèce romaine et c’est dans l’Antiquité tardive et à l’époque proto-byzantine que se mêlent usages traditionnels de moulin de type trapetum et adoption massive des pressoirs à vis. Chaque type de moulins et de pressoirs est avantageusement illustré par un schéma explicatif.

 

         Au chapitre suivant (6), il est question d’étudier le territoire de l’Attique dans l’optique de définir les zones spécialement dédiées à la culture de l’olivier de la période classique à l’époque contemporaine. Pour ce faire, le climat, subtropical, doux et tempéré est décrit de même que le relief mêlant montagnes, collines et plaines, ainsi que la composition des sols, que la forte présence de « rendzines » et la rareté de l’humus rendent peu fertiles, ce qui est largement attesté par les sources et la bibliographie. D’après la faiblesse des données archéologiques, il semble difficile d’attribuer une culture précise aux sites identifiés pour l’Attique classique et byzantine. Pour l’époque classique, des instruments propres à l’oléiculture ont été découverts sur cinq sites et sur un seul pour l'époque romaine. Enfin, une probable huilerie à Oropos daterait de l’Antiquité tardive ou de l’époque proto-byzantine. Une plateforme SIG a révélé que 23,7% des sols de l’Attique étaient propices à la culture des céréales, sans terrassement, et 39,2% à l’arboriculture. Toutefois ces résultats restent théoriques et n’évaluent que le potentiel des terres sans intégrer d’autres critères comme l’étendue des zones habitées par exemple. Il convient donc de prendre en compte ce que l’on sait déjà des cultures effectivement pratiquées dans certaines parties de l’Attique et de l’aire urbaine d’Athènes : culture de l’olivier dans la zone de l’Académie, vignobles sur les pentes du Lycabette, etc. Finalement, si la bibliographie attribue généralement à la céréaliculture les zones de plaines et à l’arboriculture les zones de collines, ce chapitre démontre que les oliviers étaient également cultivés dans les plaines et il émet l’hypothèse que plus de 60% des terres de l’Attique constituaient un milieu favorable à la culture de l’olivier.

           

         Le septième et dernier chapitre de l'ouvrage offre un résumé complet et détaillé des résultats présentés dans les chapitres précédents en traitant successivement des oliveraies, des huileries, des installations et des contenants employés au transport. Il met l’accent sur les évolutions chronologiques de ces différents éléments et sur le rôle prépondérant d’Athènes dans la production et le commerce de l'huile d’olive. Elle apparaît ainsi comme le centre principal de production d’huile de la région et à l’époque romaine sa production passait pour l’une des plus abondante de Grèce.

           

         L’ouvrage s'achève avec 44 tables présentant les photographies et les schémas reconstitutifs des vestiges étudiés, une bibliographie ainsi qu’une série d’index : index des auteurs et des sources écrites antiques et byzantines, index des noms antérieurs au XXe siècle, index des lieux et index  des « choses notables », « cose notevoli ».

 

         Oliva revixit permet au lecteur d’appréhender sur le temps long la réalité matérielle historique de la production oléicole et fournit de précieuses et innovantes données relatives à l’étude de l’économie athénienne. Les chapitres quatre et cinq apparaissent comme particulièrement importants puisque, par l’élargissement des bornes géographiques d’analyse au-delà des frontières de la Grèce et l’adoption d’une méthode comparative avantageuse, les résultats, en matière chronologique notamment, s’en trouvent enrichis.