Woodford, Susan : An Introduction to Greek Art. Sculpture and Vase. Painting in the Archaic and Classical Periods. 224 p., 250 bw and colour ill., ISBN: 9781472526397, 19.99 £
(Bloomsbury Academic, London 2015)
 
Compte rendu par Isabelle Warin, Université de Zürich
 
Nombre de mots : 1293 mots
Publié en ligne le 2017-12-12
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2548
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          Cet ouvrage est la seconde édition légèrement remaniée du livre de Susan Woodford qui a été publié pour la première fois en 1986. Diplômé de la Columbia University, l’auteur a effectué toute sa carrière au British Museum, où elle a enseigné l’histoire de l’art grec et romain. Susan Woodford a parallèlement effectué des recherches au Département des antiquités grecques et romaines au British Museum. Elle a en outre rédigé cinq ouvrages destinés au grand public portant sur la culture et l’histoire de l’art grecques. Son ouvrage Looking at Pictures and Images of Myths in Classical Antiquity, publié en 2002, a été recompensé par le prix Criticos en 2003.

 

         Le présent ouvrage est un manuel d’initiation à l’histoire de l’art grec destiné aux étudiants, aux voyageurs éclairés et plus globalement aux amateurs d’art antique (p. XI). L’auteur guide le lecteur pas à pas dans la découverte et dans l’apprentissage de l’art grec antique grâce à une approche systématique et rigoureuse. Susan Woodford utilise non seulement les vestiges archéologiques, mais s’appuie aussi sur les sources littéraires et épigraphiques, qu’elle emploie néanmoins avec parcimonie. À travers un choix pertinent de monuments et d’œuvres, l’auteur revient sur les grandes évolutions de l’art grec de l’époque archaïque au règne d’Alexandre le Grand. Pour un lecteur averti, les découpages chronologiques, mais aussi thématiques, adoptés par l’auteur pourraient faire l’objet d’un débat de fond dans lequel nous ne nous lancerons pas ici. Ils ont cependant l’avantage de simplifier, parfois à l’extrême, la chronologie des périodes artistiques pour les néophytes. Dans le premier chapitre, les origines de la civilisation grecque et de l’art grec sont traitées en deux pages (p. 1-3), tandis que le portrait des périodes géométrique et orientalisante est brossé en quelques lignes. C’est d’autant plus regrettable que les travaux récents ont permis de notables avancées grâce à de nouvelles découvertes archéologiques et surtout à la mise au point de nouveaux modèles interprétatifs concernant cette période.  

 

         Susan Woodford s’appuie sur les grandes catégories de l’histoire de l’art, telle que la discipline a été définie au XIXe siècle, pour évoquer les évolutions de la production artistique en Grèce durant l’Antiquité : architecture, sculpture architecturale, statuaire et céramique. En revanche, la coroplathie, la numismatique ou bien l’orfèvrerie sont absentes de ce manuel, tandis que la petite statuaire de bronze qui est particulièrement abondante, notamment dans les grands sanctuaires, est à peine illustrée par la célèbre statuette d’Alexandre le Grand, appelée l’Alexandre à la lance, conservée au Musée du Louvre (Br 370) (fig. 244). Là encore, ce choix dans le matériel archéologique s’inscrit dans une longue tradition qui remonte presque aux origines de l’histoire de l’art. Un propos liminaire aurait pu permettre de l’expliquer et d’introduire une nuance qui aurait à coup sûr enrichi l’ouvrage en ouvrant le débat sur les travaux récents des archéologues, des historiens et des historiens de l’art. 

 

         À l’occasion de cette seconde édition, quelques modifications ont été apportées par l’auteur à la demande de la maison d’édition (p. XII). Outre l’ajout ponctuel de nouveaux paragraphes, on note aussi la présence d’un plus grand nombre d’illustrations en couleurs, ce qui constitue un atout majeur, notamment dans les chapitres consacrés à la céramique et à l’emploi de la polychromie dans la statuaire et l’architecture. On ne peut que saluer l’initiative de l’éditeur ; les illustrations en couleurs restent encore trop rarement présentes dans les publications de l’art antique. En dépit des très nombreuses qualités de cet ouvrage qui possède un index fort utile, les annexes données à la fin de l’ouvrage sont parfois très sommaires. Il en est ainsi de la chronologie (p. 197-198) et du glossaire (p. 192-196), dont certaines entrées ne sont parfois pas d’une grande pertinence. Les divinités font ainsi l’objet de notices extraordinairement brèves : ainsi, Zeus est décrit comme le « chief of the gods » (p. 196) et Dionysos « god of wine ». Le panthéon grec ne se réduit pas à juxtaposer des figures divines dotées d’une personnalité fixée une bonne fois pour toute. Les divinités grecques sont polyvalentes : leurs champs d’action et les modes d’intervention sont polysémiques, ce qui contribue à mettre en évidence la complexité du polythéisme grec. Il aurait peut-être fallu introduire ces nuances à l’aide de quelques lignes afin de sensibiliser l’étudiant ou le voyageur à cette question qui explique en partie tout l’intérêt porté par la culture occidentale au panthéon grec depuis plusieurs siècles. Un manuel destiné aux étudiants et à un grand public aurait peut-être mérité un glossaire un peu plus fourni. Il faudrait peut-être ajouter à toutes ces remarques que la chronologie réserve une part importante à Athènes, ce qui perpétue une fois encore l’idée d’un athéno-centrisme qui est combattu sur tous les fronts par les spécialistes des sciences de l’Antiquité.

 

         Après ces quelques remarques, venons-en au cœur du sujet. Cet ouvrage est composé de treize chapitres qui présentent l’évolution de l’art en Grèce durant l’Antiquité. L’auteur a adopté un ordre chronologique, mais aussi thématique. Dans chaque chapitre, Susan Woodford brosse en quelques lignes un portrait du contexte historique et artistique dans lequel les œuvres ont été produites. Puis, à l’aide d’un ou de plusieurs exemples pertinents, elle aborde les techniques employées par les artisans, l’iconographie et la fonction de l’objet.

 

         L’auteur se penche tout d’abord sur les origines de l’art grec et sur les débuts de la peinture sur vases à l’époque géométrique à Corinthe et à Athènes (p. 1-11). Les chapitres suivants portent sur l’art de l’époque archaïque. L’auteur se consacre tout d’abord à la peinture des vases attiques à figures noires (p. 12-26), puis à la sculpture architecturale (p. 27-37), la statuaire en ronde-bosse et les stèles funéraires (p. 38-56). Le dernier chapitre consacré à la période archaïque revient sur la peinture des vases attiques à figures rouges (p. 57-74). Le cœur de l’ouvrage est consacré à l’art de l’époque classique (p. 75-109). L’auteur porte son intérêt à la statuaire, la sculpture architecturale et la peinture. Deux chapitres offrent notamment une présentation détaillée de deux monuments importants de l’art grec : le temple de Zeus à Olympie (p. 91-103) et le Parthénon (p. 110-127). La présentation est claire et synthétique, mais il manque des informations pour permettre d’offrir un aperçu des recherches actuelles. Au cours des chapitres suivants, l’auteur fait ensuite le point sur la statuaire de la haute période classique en se concentrant sur les figures centrales de Phidias et de Polyclète. Cette approche de l’histoire de l’art, en centrant le propos sur les grandes personnalités de l’art, est dans une certaine mesure dépassée, mais toujours instructive. Un seul chapitre est consacré à l’art du IVe s. av. J.-C., dans lequel l’auteur réserve une place importante à la statuaire en ronde bosse de Praxitèle, Scopas et Lysippe. L’auteur a introduit un paragraphe sur les frises du Mausolée d’Halicarnasse qui manquait dans la première édition. Le dernier chapitre tente d’inscrire la production artistique grecque à la fois dans son contexte historique et socioculturel. Susan Woodford met ainsi en avant le rôle et la fonction de l’art dans la société des cités grecques. Ce dernier chapitre qui demeure assez sommaire (6 pages) était néanmoins un ajout nécessaire à la première édition même si le lecteur restera sur sa faim, ce qui l’incitera peut-être à se tourner vers d’autres publications.

 

         Abondamment illustré et très agréable à lire, cet ouvrage offre une bonne introduction à l’art grec et rencontre avec justesse le public visé : le large public, les étudiants qui débutent leur cursus en histoire de l’art et tous ceux désireux d’apprendre les rudiments de l’art grec dans de bonnes conditions. Grâce à la précision du vocabulaire, cette publication reste un outil indispensable pour quiconque s’intéresse au domaine.