Pugliese, Lydia: Anfore Greco-Italiche neapolitane (IV-III a.C.). Fecit te, 6. F.to 17x24, Brossura, pp. 243, Ill. B/N, ISBN: 978-88-6687-068-5, 38 €
(Scienze e Lettere, Roma 2014)
 
Compte rendu par Cécile Rocheron
 
Nombre de mots : 1730 mots
Publié en ligne le 2016-03-25
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2412
Lien pour commander ce livre
 
 

 

          Le présent ouvrage est la publication d’une thèse soutenue en 2009 à l’Université Frédéric II de Naples. Dans l’introduction, l’auteure nous explique la finalité de son étude qui est la caractérisation générale de la morphologie, de la pâte et de l’appareil épigraphique d’un groupe d’amphores gréco-italiques, dénommées Gr-Ita IV-Napoli et Gr-Ita Vb-Napoli, pour lesquelles les nouvelles recherches permettent de faire l’hypothèse d’une origine locale, alors qu’elles étaient supposées provenir de Sicile ou d’Italie méridionale côté adriatique.

 

         Ce travail sur les amphores napolitaines se divise en cinq grands chapitres, de longueur inégale, pour un total de 158 pages hors catalogue. Le premier chapitre est consacré à l’explication des différents contextes dans lesquels les amphores ont été retrouvées. Ces fouilles ont été réalisées au niveau de la Piazza Nicola Amore à Naples en vue de la construction d’une station de métro. Elles ont mis au jour, entre autres, un quartier artisanal ainsi qu’un édifice « sacré » qui auraient été en activité de la fin du IVe siècle a.C. à la fin du Ier siècle a.C. Elles sont détaillées ici avec précision grâce à une documentation graphique de qualité et une description des US (unités stratigraphiques) très utile pour mieux comprendre la chronologie des amphores. Le chapitre se termine par un tableau récapitulatif qui met en relation les unités stratigraphiques et les timbres amphoriques dans lesquelles ils ont été retrouvés.

 

         L’auteure consacre ensuite son deuxième chapitre à l’historiographie de la recherche sur les amphores gréco-italiques qui a permis de reconnaître morphologiquement ces récipients. Elle souligne la difficulté de construire des typologies précises et de faire le lien entre les différentes études. Ainsi, selon le chercheur ou le lieu de découverte, les amphores ne seront pas classées de la même manière et porteront des noms différents qu’il faut ensuite mettre en parallèle. Ce problème se présente pour les amphores jusqu’à la fin de l’Antiquité et n’a, pour l’instant, pas trouvé de solution. Pour déterminer la zone de production de ces conteneurs, en l’absence d’analyse de pâte, l’étude des timbres a d’abord été privilégiée. Dans un premier temps, il a été pensé que, puisque le timbre était écrit en grec, la production devait être égéenne ou sicilienne/italienne méridionale, sans pouvoir être plus précis. Des recherches sur les ateliers ont alors été menées, qui ont conduit à déterminer des productions, notamment à Hipponion, Manfria, Locres et Ischia. Enfin les analyses archéométriques ont pu différencier, pour la région napolitaine, deux groupes dont un se situerait à Ischia et le deuxième dans le Golfe de Naples. Mais ces études ne sont pas encore assez généralisées pour pouvoir être plus précises.

 

         La troisième partie vise à définir le type ainsi qu’à déterminer les variations typologiques. Ce chapitre a pour ambition de mettre en évidence les traits distinctifs de la production napolitaine. L’auteure prend le parti de nommer les amphores de production napolitaine avec le sigle Gr-Ita et non pas MGS, qui est, selon elle, moins précis sur la provenance et la période production. Son travail se fonde donc sur la typologie créée par Chr. Vandermersch et revue par F. Cibecchini qui se fonde essentiellement sur la forme du bord pour déterminer les différents types. Ainsi, pour ce travail, 630 fragments appartiennent au type Gr-Ita IV daté de la fin IVe siècle a.C.-début IIIe siècle a.C. et entre 90 et 100 au type Gr-Ita Vb. Ces deux types sont clairement discutés dans les deux sous-parties suivantes grâce à une description morphologique des différents modules et variantes ainsi que des marques spécifiques à la production napolitaine (attache des anses, revêtement de la surface extérieure, traces de potiers). Une relation avec les timbres épigraphiques retrouvés est également donnée. Le quatrième point fait état des indicateurs de production. On trouve les indicateurs primaires (fragments peu ou mal cuits, les fragments trop cuits ou vitrifiés, les pernettes ou supports de cuisson, les poinçons et matrices pour les timbres amphoriques), les indicateurs secondaires (fréquence élevée du type Gr-Ita IV dans les contextes de la fin du IVe siècle a.C.-début IIIe siècle a.C., similitude de pâtes avec les céramiques communes) et les indicateurs de production pouvant être déduits du contexte stratigraphique de la découverte (présence d’un atelier pour le type Gr-Ita IV). La dernière question est d’identifier la pâte de la céramique napolitaine. À l’heure actuelle, il y a encore un manque de renseignements sur l’argile locale car peu de gisements ont été mis au jour. Ceci laissait à penser auparavant que la matière première venait d’Ischia mais les recherches récentes ont montré que l’argile était différente.

 

         Le chapitre quatre, le plus long et le plus complexe, traite du système de communication épigraphique. Un grand nombre de timbres amphoriques ont été retrouvés dans les fouilles de la Piazza Nicola Amore qui peuvent être rattachés aux types d’amphores étudiés dans ce volume. Encore aujourd’hui, la signification des différents noms et/ou symboles présents sur les timbres amphoriques n’a pas pu être établie avec certitude, même pour les productions bien connues de Rhodes ou de Thasos auxquelles l’auteure fait plusieurs fois référence. Elle tente donc, en préambule de ce chapitre, de reconstruire le message véhiculé par les timbres en leur appliquant des schémas de communication créés par des mathématiciens ou des linguistes à d’autres fins. Un certain nombre de facteurs sont à prendre en compte pour tenter de comprendre la signification du message sur les timbres qui peut être perturbé par bien des éléments. D’abord ce qu’elle appelle le bruit de transmission, qui sont les dommages subis par le timbre avant la cuisson, pendant la durée d’utilisation de l’amphore, en usage primaire ou secondaire, ou après l’utilisation (timbres retrouvés dans les épaves). Le bruit de l’émission est le fait de mal imprimer le timbre avant cuisson (problèmes de traces de potiers, problèmes lors de l’application de l’engobe ou problèmes de matrice). Mais il peut également y avoir plusieurs matrices pour un même message pour lequel il ne faudrait pas voir un sens différent mais seulement des variations ou des erreurs lors de la fabrication de la matrice. Sur les amphores gréco-italiques, les timbres sont le plus souvent appliqués sur l’anse, plus rarement sur le col ou l’épaule. En ce qui concerne les amphores napolitaines, le message est souvent court et comporte rarement un symbole. D’après l’auteure, ceci implique une aire de diffusion limitée pour que les informations puissent être comprises. D’autre part, étant donné qu’un même timbre peut se retrouver également sur des tuiles ou des briques, il est probable qu’il ne garantisse pas le produit contenu mais plutôt qu’il s’agisse du nom d’un fabriquant et/ou d’un propriétaire d’atelier voire un personnage détenant une charge administrative publique, comme c’est le cas pour les productions égéennes.

 

         Cette longue tentative de reconstruction de la signification des timbres ne permet pas encore de résoudre le problème mais livre un certain nombre de pistes pour pouvoir déchiffrer, à l’avenir et grâce à de nouvelles découvertes, ces timbres grecs. L’auteure recense ensuite les différents noms, souvent écrits de manière abrégée, ainsi que l’unique symbole retrouvé sur les timbres pour lesquels elle livre, à chaque fois, une photo de plus ou moins bonne qualité ainsi qu’une retranscription. Pour chacun, elle tente de les interpréter et de faire la liste de leurs parallèles découverts, généralement, en Italie méridionale ou dans les épaves transportant des amphores gréco-italiques. L’analyse des timbres amphoriques appartenant aux Gr-Ita IV napolitaines et Gr-Ita Vb napolitaines semble ainsi démontrer que la zone spatio-temporelle de diffusion ne peut être trop large car les noms abrégés lisibles sur les timbres ne pourraient être compris au-delà d’un cadre restreint. Ces anthroponymes correspondraient au nom du fabricant de l’objet (propriétaire, gérant ou fabricant de l’objet) et seraient synonymes de « garantie ». Lorsque deux anthroponymes sont présents sur le timbre, l’auteure suggère d’y voir une collaboration entre les deux personnages dans le processus de production de l’amphore.

 

         Enfin le cinquième chapitre réfléchit sur le système de production des amphores napolitaines et, en particulier, sur celles dont le timbre représente une couronne. Il est fortement probable que ce dernier soit à mettre en relation avec les concours qui ont lieu dans l’ancienne cité de Neapolis et dont le vainqueur est représenté, comme on peut le voir sur des vases à figures rouges ou des monnaies, avec une couronne similaire à celle présente sur les timbres. De plus, le type Gr-Ita IV qui porte ce symbole est produit dans un atelier proche d’une zone considérée comme « cultuelle » ou « sacrée » qui pourrait être mise en relation avec l’organisation de ces jeux. Il ne faut pas voir, en revanche, ces amphores comme des prix remis aux vainqueurs, dans la lignée des amphores panathénaïques, mais plutôt comme une production liée à cette aire « sacrée ».

 

         Le fait que le même type d’amphores soit produit à Naples et à Ischia laisse à penser qu’il s’agirait d’un système de production polynucléaire, comme c’est le cas pour Thasos ou pour Rhodes, puisque l’on sait, par ailleurs, qu’Ischia était sous domination napolitaine depuis 470 a.C. Cependant, chaque atelier aurait eu son système de timbrage propre restituant probablement le nom de son propriétaire. Les données prosopographiques ne sont pour le moment pas suffisantes pour relier les noms présents sur les timbres ainsi que sur les monnaies à des personnages ou des familles bien documentés dans la région. Toutefois, il pourrait s’agir d’une élite au pouvoir qui expliquerait que les mêmes anthroponymes se retrouvent sur ces différents supports.

 

         La conclusion reprend, point par point, les résultats des différents chapitres. Elle est complétée par le catalogue des amphores qui ont servi de base à l’ouvrage. Elles sont répertoriées en tableau dont les données, très complètes, nous renseignent sur leur numéro d’inventaire, leur type, l’US dans laquelle elles ont été découvertes, leur description, leurs différentes mesures ainsi que les timbres qui leur sont associés. Nous regretterons, toutefois, la taille des dessins qui, pour les amphores complètes, rend la lecture difficile, en particulier pour les détails du bord. Dans certains cas, le trait est même quasiment invisible. Les deux catalogues de timbres qui suivent, un pour les timbres clairement identifiés comme napolitains et un pour lesquels il y a controverse, sont nettement plus lisibles. Enfin, l’auteure termine sa très intéressante étude par une riche bibliographie qui inclut les plus récentes recherches faites sur le sujet.