Devos, Cécile - Laroche, Claude : Pau. Un siècle d’architecture sacrée (1801-1905). 24,3 x 29,7 cm, 176 pages, 350 images, ISBN 978-2-36219-105-3, 24.50 €
(Éditions Lieux dits, Lyon 2014)
 
Compte rendu par Véronique Castagnet, Université de Toulouse – Jean Jaurès
 
Nombre de mots : 815 mots
Publié en ligne le 2016-02-19
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2401
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          Offrir à un large lectorat le fruit d’une méticuleuse enquête patrimoniale menée depuis 2010 au sujet des édifices religieux d’une cité n’est pas chose facile. Ici, cette transmission est réussie. Le volume qui en résulte se compose de deux parties distinctes, complémentaires l’une de l’autre : tout d’abord, une synthèse historique de la construction des édifices cultuels palois durant la période concordataire (1801-1906), en une trentaine de pages illustrées ; ensuite, dans le reste de l’ouvrage, une présentation des 18 bâtiments majeurs regroupés en une typologie classique : les églises paroissiales (Saint-Jacques, Saint-Martin, Saint-Jean Baptiste du Hameau), les chapelles hospitalières (chapelle de l’asile d’aliénés Saint-Luc, chapelle de l’ancien hôpital Bosquet), les chapelles conventuelles (Sacré-Cœur-de-Jésus pour les carmélites, Sainte-Ursule-des-Champs pour les ursulines, Notre-Dame de l’Immaculée-Conception pour les jésuites, Notre-Dame-du-Bout-du-Pont, la chapelle des Dominicaines, des sœurs du Sacré-Cœur, des réparatrices, des dames de Saint-Maur et des filles de la Croix), et les autres lieux de culte (le temple protestant, l’église orthodoxe, la synagogue et l’église anglicane). Les auteurs introduisent tout de même un bémol dans l’exhaustivité de ce panorama, en précisant que « les édifices détruits, dénaturés ou d’une ambition architecturale trop limitée, ne sont présentés [dans la partie 1] que dans la mesure où ils apportent leur pierre au propos » (p. 8).

 

         L’implantation des nouvelles congrégations tout au long du XIXe siècle est à l’origine de la profusion d’édifices religieux dans la ville, à la fois en centre-ville grâce à des aménagements urbains souhaités par la municipalité, comme dans les quartiers en développement du nordest (le Hameau) et de l’est (Trespoey). Entre le début et la fin du siècle, la population paloise passe de 10 000 à près de 30 000 habitants ; la surface de la commune est alors doublée. L’afflux d’une population anciennement rurale d’une part, et d’hivernants dont le séjour peut se prolonger à l’année, encourage ainsi le renouvellement de Pau dont témoigne la nouvelle topographie religieuse de la ville.

 

         La nécessité de reconstruire les édifices existant avant et pendant la Révolution française apparaît du début du XIXe siècle jusqu’au second quart de ce siècle. L’église paroissiale Saint-Jacques ou celle de Saint-Martin font ainsi l’objet de travaux, alors que la chapelle Saint-Louis-de-Gonzague est achevée dans le respect du parti initial. Les autres initiatives sont le fruit soit de l’engagement de la municipalité (avec, par ailleurs, le souci de procéder à un embellissement de la ville), soit de l’engagement d’autorités administratives en charge de l’équipement cultuel (à savoir les hôpitaux pour les chapelles Saint-Luc et Bosquet), soit de l’engagement de particuliers, bienfaiteurs prêts à employer leur fortune personnelle (comme la baronne de Brienen pour les réparatrices). Le plus souvent, le financement est réalisé grâce à un montage financier associant souscription, demande de secours au Ministère des Cultes, appel aux dons, emprunts etc., parce qu’estimer le coût total du chantier est difficile… et, au final, la prévision initiale tend même à être très largement dépassée !

 

         Les auteurs soulignent une chose sans doute plus attendue : lors de cette campagne de construction, une référence systématique est faite à l’architecture médiévale, surtout dans les années 1849-1900, comme ailleurs en France. À cela s’ajoute une certaine fascination pour l’Orient, observable dans les décors réinterprétés à partir du répertoire d’œuvres rendues célèbres dans les Annales archéologiques, par exemple.

 

         Toutefois, une différence est à noter entre la commande publique et la commande privée. En effet, la première fait appel à des architectes titulaires de fonctions officielles. Parmi les figures de bâtisseurs, celle d’ Émile Boeswillwald (1815-1896) : compagnon tailleur de pierre admis en 1837 à l’École des beauxarts puis inspecteur pour les travaux de restauration de Notre-Dame de Paris menés par JeanBaptiste Lassus (18071857) et Eugène ViolletleDuc (18141879) ; attaché à la Commission des monuments historiques en 1843 ; et architecte diocésain en charge de la cathédrale, de l’évêché et du séminaire mais en mesure de donner un avis sur les projets des édifices paroissiaux du diocèse, dont les monuments religieux palois. Quant à la commande privée, elle accorde plutôt les chantiers aux architectes locaux dont les références sont connues des fidèles dans le Sud-Ouest.

 

         Néanmoins, les constructions sont placées sous le contrôle de l’État, exercé par plusieurs institutions : Conseil général des bâtiments civils créé en 1795, puis l’administration en charge des édifices diocésains fondée au milieu du XIXe siècle devient après 1853 le Comité des inspecteurs généraux des édifices diocésains. Une forte influence des architectes inspirés par Viollet-le-Duc se perçoit dans les travaux avalisés par ce Comité. Pourtant, il arrive à l’administration des cultes d’accorder une subvention publique malgré ses critiques : ce fut ainsi le cas en faveur des projets pour la reconstruction de l’église paroissiale Saint-Jacques par Émile Loupot, ancien ingénieur des mines devenu architecte et déjà connu à l’échelle régionale pour la construction de l’église de Bagnères-de-Luchon (1847-1857), la station thermale du département des Hautes-Pyrénées.

 

         En somme, ce livre est une invitation à la découverte, ou la redécouverte, de Pau, cité anglaise aux portes des Pyrénées et ville au « paysage concordataire », à quelques encablures de la cité de Bernadette Soubirous.