Empereur, Jean-Yves (dir.): Alexandrina 4, Études Alexandrines 32, Alexandrie, 399 p. ISBN 978-2-11-129855-2,
(Centre d’études Alexandrines, Alexandrie 2014)
 
Compte rendu par Nicolas Amoroso, Université catholique de Louvain
 
Nombre de mots : 3866 mots
Publié en ligne le 2015-05-27
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2370
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          Fondé en 1990 par Jean-Yves Empereur, le Centre d’Études Alexandrines (CEAlex) a mené de nombreuses campagnes de fouilles de sauvetage, tant sous-marines que terrestres, à travers la ville d’Alexandrie et dans ses environs. Ces importantes activités archéologiques ont considérablement amélioré nos connaissances de l’ancienne capitale du royaume lagide. Alimentées par les fouilles, les études historiques, les enquêtes archivistiques et cartographiques, les recherches menées par le CEAlex ont pour mission « d’étudier l’histoire d’Alexandrie à travers tous les documents qui illustrent son destin exceptionnel »[1]. Depuis 1998, le centre édite une collection qui compte désormais 32 volumes rassemblant des monographies, des recueils d’études ou encore des corpus qui portent tous sur des documents alexandrins, qu’ils soient littéraires, archéologiques, numismatiques ou céramologiques. Sobrement intitulé « Alexandrina 4 », le présent volume poursuit les objectifs de ses prédécesseurs[2], en réunissant douze études centrées sur Alexandrie. L’ouvrage se décline ainsi en cinq volets : deux études sont consacrées aux récentes fouilles archéologiques menées dans le quartier de Smouha et précèdent trois sections qui portent respectivement sur la sculpture hellénistique, les bronzes et les faïences d’époque gréco-romaine. Enfin, l’ouvrage se clôture par deux articles qui s’intéressent à la constitution du cabinet numismatique du Musée gréco-romain d’Alexandrie.

 

         Ce quatrième volume dédié aux études alexandrines s’ouvre par un hommage à Mervat Seif el-Din pour son 60e anniversaire (p. 9-10), suivi d’une bibliographie exhaustive de l’auteur (p. 11-14). En tant qu’archéologue égyptienne, elle a passé quatre décennies au Ministère des Antiquités égyptiennes, dont six à la tête du Musée gréco-romain. Pas moins de quatre articles du présent volume sont signés par cet auteur dont les axes de recherches concernent surtout la sculpture, les objets métalliques et la faïence gréco-romaine. Sa bibliographie recense cinq ouvrages – notamment sa thèse de doctorat publiée en 2006 sur les gourdes de pèlerins à reliefs d’époque hellénistique et romaine[3] – et une quarantaine d’articles publiés entre 1991 et 2014. Cet hommage précède une brève introduction du directeur du CEAlex, Jean-Yves Empereur (p. 15-18), qui résume les récentes activités archéologiques, scientifiques et éditoriales du centre. Malgré la conjoncture actuelle et les difficultés administratives, nombreux sont les projets archéologiques et les publications qui enrichissent et renouvellent nos connaissances d’Alexandrie, que ce soit à l’époque hellénistique, romaine ou médiévale.

 

         I. La première section s’ouvre par un article de Marie-Cécile Bruwier qui présente les résultats de ses recherches archéologiques dans le quartier de Smouha à Alexandrie (p. 21-33). Commanditées par le Musée royal de Mariemont entre 2008 et 2012 (en collaboration avec le Conseil suprême des Antiquités égyptiennes et le CEAlex), les investigations de terrain visaient à identifier le monument auquel étaient associés quatre fragments d’une dyade colossale d’époque ptolémaïque qui représentait un couple (royal ?) se tenant par la main et dont il subsiste aujourd’hui quelques éléments anciennement conservés au Musée gréco-romain d’Alexandrie (actuellement à Kom el-Chougafa) : une tête et une partie de la jambe gauche appartenant à un personnage masculin. Deux autres pièces du monolithe colossal font partie des collections du Musée royal de Mariemont : un important fragment qui comprend la tête et une partie du buste d’une femme et un autre élément qui représente deux mains jointes. Grâce aux anomalies positives détectées par les sondages archéologiques réalisés en 2004, les fouilles se sont concentrées sur six parcelles de terrain dans le quartier de Smouha. Le choix du site à investiguer s’appuie sur les nombreux indices livrés notamment par des récits de voyageurs du XIXe et du XXe siècle qui semblent confirmer la provenance des fragments du couple colossal. En outre, les fouilles ont révélé l’existence d’une zone d’implantation humaine importante. Les structures archéologiques mises au jour documentent plusieurs phases d’occupation du site, surtout à l’époque romaine, bien que plusieurs blocs remployés dans les fondations des stylobates soient de facture plus ancienne et datés de l’époque hellénistique. La présence de fours à chaux et l’identification d’une zone d’inhumation témoignent, au VIe siècle de notre ère, d’un réaménagement du site dont la date d’abandon reste difficile à déterminer. De même, l’origine, la/les fonction(s) et les phases d’occupation du site doivent encore être précisées, dans l’attente d’une étude approfondie du mobilier archéologique.

 

         En corrélation avec l’étude précédente, l’article de Julie Monchamp (p. 35-97), porte sur un important matériel archéologique d’époque romaine et romaine tardive mis au jour lors des fouilles à Smouha, entre 2008 et 2012. Bien que le site soit caractérisé par une stratigraphie complexe, l’étude céramologique se fonde sur deux contextes archéologiques homogènes contenant une quantité importante de tessons d’époque romaine. Le premier groupe est daté du IIe siècle ap. J.-C. et rassemble environ cinq cents tessons dont plus de la moitié appartient à des amphores. L’auteur présente un catalogue richement illustré par des planches et structuré en fonction des classes céramiques : sigillées romaines importées (orientales A et B), poteries locales en kaolinitique d’Assouan ou en pâte alluviale, amphores égyptiennes et amphores importées. Chaque objet est identifié par un système alphanumérique et rattaché à un type céramique. Le deuxième assemblage est lié à la seule unité stratigraphique relativement bien conservée pour l’époque romaine tardive. Il recense plus de huit cents tessons de céramique, dont 542 tessons d’amphores. La diversité des productions attestées, notamment la présence de sigillées romaines tardives, a permis de dater ce niveau stratigraphique entre la fin du Ve et le début du VIe siècle ap. J.-C. Enfin, la troisième partie de l’article concerne les productions attestées à Smouha, à partir des témoignages significatifs provenant toutefois de contextes archéologiques perturbés. Dans ce vaste répertoire céramique, on notera la présence d’une ampoule à eulogie qui présente l’iconographie de Saint-Ménas dans la position de l’orant (p. 81, fig. 18) et une série de lampes à huile fragmentaires de production locale, notamment une qui présente une image d’Isis lactans, très fréquente dans le répertoire des lampes alexandrines (p. 82-83, fig. 19). On citera également le matériel céramique qui caractérise une zone d’inhumation fonctionnelle dans le courant du VIe siècle. En conclusion, l’étude céramologique de Julie Monchamp permet de mettre en lumière deux phases d’occupation du site de Smouha : une première au IIe siècle ap. J.-C. et un état postérieur aux Ve-VIe siècles de notre ère. Ces phases sont documentées par deux assemblages homogènes et par une série d’amphores palestiniennes refonctionnalisées dans un contexte funéraire. En outre, les amphores et autres céramiques importées témoignent de relations commerciales entre Alexandrie et la Méditerranée.

 

         II. Le deuxième volet de l’ouvrage concerne la sculpture alexandrine. Trois œuvres inédites sont au cœur des études rassemblées dans cette section. La première est une statue masculine acéphale taillée dans un couvercle de sarcophage, que Mervat Seif el-Din (p. 101-116) propose d’attribuer au Ier siècle av. J.-C. Elle représente un homme vêtu d’un himation ramené en rouleau sous la taille, laissant la partie supérieure du corps demi-nue. Signalée en 1961 à l’est de l’antique Cap Lochias par le pionnier égyptien de la plongée sous-marine, Kamal Abou el Saadat, cette figure sculptée fut sortie des eaux par la marine égyptienne en 1962. D’abord déposée sur la pelouse du site archéologique du Sarapieion, elle fut déplacée en 1987 dans les jardins du Musée Maritime où elle est exposée depuis 1987. L’analyse de la technique montre que le sculpteur a réutilisé un couvercle de sarcophage pour réaliser une sculpture masculine en ronde-bosse. Après une brève description et une identification des particularités de l’objet, l’auteur associe cette sculpture à un type statuaire répandu en Grèce classique et devenu caractéristique des représentations des dieux, des penseurs et intellectuels de la fin du IVe et du début du IIIe siècle avant notre ère. Par le biais d’une analyse comparative de l’agencement du drapé, de la disposition des plis et du style de l’œuvre sculptée, Mervat Seif el-Din identifie un intéressant mélange d’éléments traditionnels et de traits originaux qui rendent complexe l’interprétation herméneutique de l’objet. Si les comparaisons stylistiques permettent de dater l’œuvre du Ier siècle av. J.-C., l’identification du personnage de même que la raison du remploi d’un couvercle de sarcophage restent incertaines. Au final, cet objet constitue un précieux témoignage qui illustre la tendance des sculpteurs alexandrins à réutiliser des blocs sculptés ou des éléments d’architecture à l’époque ptolémaïque.

 

         L’article d’Ahmed Abd el-Fattah et de Mervat Seif el-Din (p. 117-130) se propose d’étudier un buste féminin acéphale en calcaire dont la provenance et le type font un document d’un grand intérêt scientifique. En effet, cet objet a été découvert dans le cadre des fouilles d’urgence du Conseil Suprême des Antiquités égyptiennes menées en 1994, sur le terrain de la faculté de Commerce de l’Université d’Alexandrie. L’emplacement du site est important car il correspond à la zone des Basileia, c’est-à-dire des quartiers royaux d’époque ptolémaïque. Le lieu de découverte de l’objet se situe dans la partie occidentale du site où l’on a mis au jour une structure de fonction incertaine qui a livré un matériel archéologique varié, daté entre l’époque hellénistique et l’antiquité tardive. Le buste représente un personnage féminin vêtu d’un chiton à manches courtes noué par une ceinture sous la poitrine et drapé d’un himation couvrant l’épaule gauche, ramené en oblique sous le bas du torse. Malgré l’état de conservation lacunaire de l’objet, il est possible de reconnaître les attributs du personnage qui tenait une patère dans la main gauche épaufrée, tandis que la main droite est dirigée vers le sein gauche : elle devait donc tenir un objet contre le sein, dont il ne subsiste que la tige métallique. Le type statuaire du « torse féminin sur socle » est attesté dans différents matériaux et formes, surtout en Attique et dans le reste du monde Grec, entre le Ve et le IVe siècle av. J.-C.  Ce type de représentation est aussi diffusé en Libye et à Alexandrie à la fin du IVe et au début du IIIe siècle avant notre ère. Dans ce cadre d’analyse, les auteurs rappellent qu’il existe différentes catégories dont les variantes dépendent de l’agencement des vêtements. Ainsi, l’himation peut être disposé sur l’épaule gauche ou ramené en voile ; le personnage féminin est parfois vêtu d’un châle frangé en nœud isiaque ou porte un vêtement simple (un péplos ou un chiton). L’analyse du drapé permet d’identifier plusieurs parallèles dans la statuaire hellénistique, le plus probant étant celui d’un buste découvert au pied de l’Acropole de Rhodes et daté du IIIe siècle avant notre ère. L’iconographie de cette statue – un personnage féminin émergeant du sol – la rapproche de la sphère de Déméter et de Coré/Perséphone. Bien que l’interprétation demeure ouverte, la prise en compte du contexte archéologique – notamment la découverte d’une cuve de sarcophage – et la confrontation avec des exemples analogues trouvés dans des tombes de Cyrène permettent d’envisager la représentation d’une défunte. Au final, en tant que monument cultuel ou funéraire, cette œuvre constitue un précieux témoignage de la sculpture privée de l’Alexandrie ptolémaïque.

 

         Le dernier article de cette section, de François Queyrel (p. 131-161), s’intéresse à une tête d’enfant trouvée en 1997 dans un puits d’époque hellénistique lors de la fouille du Cricket Ground à Alexandrie. L’objet est une tête en calcaire de 18 centimètres de hauteur, recouverte de stuc pour recevoir une polychromie aujourd’hui disparue. Bien que l’auteur parvienne à identifier plusieurs analogies stylistiques avec des sculptures du IIIe av. J.-C., la restitution de cette statue fragmentaire pose problème. Deux importants contextes archéologiques permettent de fournir un premier cadre interprétatif. Le premier concerne les récentes fouilles du Boubasteion d’Alexandrie qui ont livré une série importante d’ex-votos représentant des enfants. L’auteur met aussi en comparaison la tête alexandrine avec un important lot de statues en calcaire découvert dans le Sarapieion de Memphis par Auguste Mariette en 1851. Il poursuit son étude en s’interrogeant sur les fonctions des statues d’enfants. En effet, la tête alexandrine peut être rapprochée du type statuaire hellénistique de « l’enfant à l’oie », connu par une quinzaine de répliques d’époque romaine. À partir d’un passage de Pline l’Ancien, et surtout du quatrième mime d’Hérondas, le groupe statuaire de l’enfant à l’oie doit être placé dans un contexte cultuel du milieu du IIIe siècle avant notre ère. Le groupe sculpté est ainsi situé « entre l’ex-voto et la scène de genre ». Par le biais d’une série de comparaisons – notamment avec un groupe (peu connu) trouvé à Tell Basta et conservé au Musée du Caire (fig. 33), auquel peut correspondre un groupe analogue en terre cuite découvert dans la nécropole de Chatby à Alexandrie (fig. 36) – l’auteur insiste sur la fonction « performative » de ce type de statues. En croisant les données archéologiques et littéraires avec les résultats de son enquête stylistique et iconographique, François Queryel parvient à proposer une lecture intéressante de ce type statuaire qui permet de jeter un regard nouveau sur la tête d’enfant trouvée à Alexandrie.

 

         III. La section sur les bronzes des fouilles du CEAlex et du Musée gréco-romain d’Alexandrie s’ouvre avec la contribution de Valérie Pichot et Marie-Françoise Boussac (avec la collaboration de Michel Wuttmann) qui s’intéresse à un « porte-cassolette » trouvé lors des fouilles du CEAlex menées depuis 2003 sur la presqu’île de Maréa-Philoxénité (p.165-185). Caractérisé par un intéressant mélange des traditions égyptienne et grecque, il a été découvert en deux parties dans une maison-tour d’époque ptolémaïque. L’objet a été mis au jour dans des couches issues de la destruction des niveaux d’occupation et de la récupération des sols par des chaufourniers, entre le VIe et le VIIe siècle de notre ère. L’objet est un trépied à pattes de bouc alternées de feuilles de lierre, surmonté d’une colonne de papyrus renflée à chapiteau campaniforme et destiné à soutenir une cassolette ou une lampe. Bien qu’il s’inscrive dans une tradition égyptienne déjà attestée à la XVIIIe dynastie, l’exemplaire de Maréa se distingue par la juxtaposition d’une colonne de tradition égyptienne avec des pieds typiquement grecs. Sur la base des indices archéologiques qui attestent l’existence d’ateliers de bronziers dans ce secteur de la chôra alexandrine, cet objet peut être intégré dans un contexte de production locale. Les auteurs proposent ainsi une interprétation intéressante en voyant dans cet objet l’expression d’un même message à travers deux langages superposés : si les pattes de bouc et les feuilles de lierre peuvent être associées à la sphère dionysiaque, la colonnette de papyrus est rattachée au dieu Osiris. Enfin, l’examen technologique de l’objet a été réalisé par Michel Wuttmann et Nadine Mounir en 2009 (Laboratoire d’étude des matériaux, IFAO, Le Caire). Les résultats des analyses par fluorescence X sont annexés en fin d’article (p. 179-183).

 

         La contribution de Marie-Françoise Boussac et Mervat Seif el-Din poursuit l’étude précédente en publiant une sélection intéressante de candélabres, porte-lampes et porte-cassolettes de la fin de l’époque hellénistique et du début de l’époque impériale romaine, majoritairement conservés à l’état de fragments au Musée gréco-romain d’Alexandrie (p. 187-209). Chaque objet est ainsi identifié par une fiche qui précède une description suivie d’un commentaire analytique. Les pièces recensées, bien que majoritairement privées de contexte archéologique, constituent des exemplaires très proches de ceux qui ont été trouvés dans la zone vésuvienne. Hormis un support de lampe (ou de cassolette) d’époque ptolémaïque très proche de l’exemplaire de Maréa cité plus haut, le catalogue rassemble 17 objets datés de l’époque impériale. Le type le plus attesté est celui des porte-lampes à trépied avec pattes zoomorphes dont le couronnement est en forme de cratère. Une deuxième série d’objets regroupe les porte-lampes à hampe végétale. Y figurent aussi des fragments de candélabres, notamment des couronnements qui prennent la forme de chapiteaux corinthiens. Enfin, on mentionnera un candélabre miniature annexé au catalogue, trouvé en 1946 dans la tombe B de Gabbari.

 

         IV. La section consacrée à la faïence gréco-romaine s’ouvre par un article de Marie-Dominique Nenna et Mervat Seif el-Din (p. 213-293) qui fait directement suite à la publication d’un catalogue de la vaisselle en faïence du Musée gréco-romain d’Alexandrie[4]. Les auteurs présentent 110 nouveaux fragments numérotés à la suite de leur précédent catalogue. Elles recensent 85 pièces d’époque hellénistique, 20 pièces d’époque romaine et 5 pièces datées entre le VIe et le IVe siècle av. J.-C. Loin d’être un « simple » supplément au catalogue précédent, l’article a pour objectif de préciser la morphotypologie et offrir des données chronologiques mieux fondées. Il s’articule en deux sections : la première prend la forme d’un catalogue (p. 214-260) dont les descriptions sont précises et soigneusement illustrées par des photos et des dessins ; la deuxième recense les planches typologiques brièvement commentées (p. 261-289) qui précèdent la bibliographie finale.

 

         La deuxième contribution (p. 295-340) propose de publier les résultats des analyses archéométriques effectuées dans les années 1990 par Alexander Kaczmarczyk, sur une sélection de faïences hellénistiques et romaines conservées au musée du Louvre. L’article est divisé en deux sections. La première est rédigée en anglais et livre un commentaire des analyses par microfluorescence X réalisées au laboratoire de Recherche des Musées de France à Paris (p. 296-307). Cette étude archéométrique a permis de mettre en évidence plusieurs particularités techniques de la faïence d’époque romaine, notamment l’importance de l’aspect plastique des éléments décoratifs par rapport aux choix chromatiques. En outre, l’analyse de la composition et des techniques de glaçure suggère l’existence de plusieurs ateliers. La deuxième partie de l’article (p. 308-340) a été rédigée par Marie-Dominique Nenna qui livre une description archéologique des objets analysés. Ceux-ci sont classés par types et précédés systématiquement d’une notice d’identification. Un commentaire général accompagne chaque notice qui est illustrée par des planches et des photos en couleur. Trente pièces, majoritairement datées de l’époque impériale, sont ainsi recensées. Parmi ce corpus, on notera la présence d’amphores à décor appliqué, de beaux fragments de vases moulés à files d’animaux et une série intéressante de figurines qui représentent notamment le dieu Harpocrate. L’auteur conclut l’article par une série de remarques sur les ateliers à l’époque hellénistique et impériale, en croisant les données archéométriques et l’étude archéologique des pièces sélectionnées. Au final, la mise en évidence de la variété des recettes de glaçure aux époques ptolémaïque et romaine, permet de mieux cerner les différences chronologiques et de proposer une identification plus précise des aires de production.

 

         Le quatrième volet de l’ouvrage s’achève par une bibliographie commentée des contributions sur la faïence gréco-romaine, par Marie-Dominique Nenna (p. 341-363). L’auteur rassemble une soixantaine de publications (monographies, catalogues et articles) imprimées entre 2000 et 2013. Elle ne manque pas d’intégrer plusieurs titres qui sont encore à paraître et clôture sa contribution par une liste de références électroniques, notamment plusieurs catalogues en ligne des grands musées internationaux.

 

         V. Le dernière section de l’ouvrage présente deux contributions d’Éric Gady qui portent sur la constitution du Cabinet numismatique du Musée gréco-romain d’Alexandrie. Le premier article (p. 367-383) s’intéresse à la biographie d’Ernest Dutilh, premier conservateur de la collection de monnaies du Musée gréco-romain d’Alexandrie. À partir d’une série de lettres retrouvées dans les archives du musée, l’auteur propose de retracer le parcours professionnel de ce savant d’origine hollandaise. La vie de ce personnage était relativement mal connue, comme en témoignent les zones d’ombre autour de ses prénoms, de son statut-civil et de son origine. Sous la forme d’une véritable « enquête », l’auteur parvient à retracer les grandes lignes biographiques d’Ernest Dutilh, depuis ses premières activités commerciales à Smyrne et son poste de consul des Pays-Bas au Caire entre 1872-1881, jusqu’à son intérêt progressif pour la numismatique. Passionné par les monnaies dès 1869, Ernest Duthil fut un véritable autodidacte et il fait clairement office de précurseur. Sa production scientifique et son activité de « numismate » - d’abord en tant que collectionneur, avant d’être nommé conservateur – ont eu un grand impact sur l’histoire des collections numismatiques du Musée gréco-romain d’Alexandrie.

 

         Le dernier article du volume (p. 385-393) propose de revenir sur l’histoire de la constitution des collections numismatiques du Musée gréco-romain d’Alexandrie à partir d’un examen des rapports annuels du musée, depuis son inauguration jusqu’au décès d’Ernest Duthil en 1905. Dans un deuxième point, l’auteur s’intéresse aux tétradrachmes athéniens qui auraient fait partie d’un trésor découvert en 1869 à Gabâres dans le Delta égyptien. Un examen des sources archivistiques du musée, corrélé aux rapports annuels, permet de revoir l’attribution des 145 pièces étudiées par Mme Hélène Nicolet-Pierre [5] : celles-ci seraient le résultat d’un assemblage de pièces de provenances diverses. L’auteur rappelle ainsi l’important apport des archives pour l’étude scientifique des objets archéologiques issus de découvertes anciennes et (parfois) mal documentées.

 

         Le volume se termine par une liste des abréviations qui précède l’inventaire exhaustif des titres publiés dans la collection des « Études Alexandrines ». Au final, la diversité des contributions rassemblées dans ce volume témoigne de la multidisciplinarité des recherches qui portent sur Alexandrie. Grâce à la publication des résultats de fouilles récentes, d’objets inédits et de précieux corpus, l’ouvrage constitue un volume imprimé de grande qualité qui illustre l’importante activité scientifique du CEAlex.

 

   

[1]  Voir le site officiel du CEAlex : http://www.cealex.org/

[2] Empereur J.-Y. (éd.), 1998. Alexandrina 1, Études Alexandrines 1, Le Caire, IFAO ; Empereur J.-Y. (éd.), 2002. Alexandrina 2, Études Alexandrines 6, Le Caire, IFAO ; Empereur J.-Y. (éd.), 2009. Alexandrina 3, Études Alexandrines, 18, Le Caire, IFAO.

[3] Seif el-Din M., 2006. Die reliefierten hellenistisch-römischen Pilgerflaschen, Études Alexandrines 11, Le Caire, IFAO

[4] Nenna M.-D. et Seif el-Din M., 2000. La vaisselle en faïence d’époque gréco-romaine, Études Alexandrines 4, Le Caire, IFAO.

[5] Nicolet-Pierre H., 2009. « Monnaies grecques au Musée gréco-romain d’Alexandrie », dans J.-Y. Empereur, Alexandrina 3, Études Alexandrines, 18, Le Caire, IFAO, p. 191-214.

 

 

Sommaire 

 

Jean-Yves Empereur, Hommage à Mervat Seif el-Din pour son 60e anniversaire, p. 9-10.

Jean-Yves Empereur, Bibliographie de Mervat Seif el-Din, p. 11-14.

Jean-Yves Empereur, Fouilles et publications alexandrines, p. 15-18.

 

Les fouilles dans le quartier de Smouha à Alexandrie

Marie-Cécile Bruwier, Recherches archéologiques à Smouha, Alexandrie, p. 21-33.

Julie Monchamp, Céramiques de Smouha, Alexandrie, Égypte. Époques romaine et romaine tardive, p. 35-97.

 

Sculpture à Alexandrie

Mervat Seif el-Din, Une statue masculine hellénistique taillée dans un couvercle de sarcophage découvert à Alexandrie, p. 101-116.

Ahmed Abd el-Fattah, Mervat Seif el-Din, Un buste féminin hellénistique de Mazarita, Faculté de commerce de l’Université d’Alexandrie, p. 117-130.

François Queyrel, Le garçon du Cricket et les enfants d’Alexandrie, p. 131-161.

 

Bronzes des fouilles du Centre d’Études Alexandrines et du Musée gréco-romain d’Alexandrie

Valérie Pichot, Marie-Françoise Boussac (avec la collaboration de Michel Wuttmann), Le porte-cassolette de Maréa/Philoxénité, p. 165-185.

Marie-Françoise Boussac, Mervat Seif el-Din, Candélabres, porte-lampes et porte-cassolettes du Musée gréco-romain d’Alexandrie, p. 187-209.

 

Faïences du Musée gréco-romain d’Alexandrie et du musée du Louvre

Marie-Dominique Nenna, Mervat Seif el-Din, La vaisselle en faïence d’époque gréco-romaine du Musée gréco-romain d’Alexandrie. Compléments et typologie, p. 213-293.

Alexander Kaczmarczyk, Marie-Dominique Nenna, Analyses de faïences égyptiennes d’époque hellénistique et romaine conservées au musée du Louvre, p. 295-340.

Marie-Dominique Nenna, Bibliographie commentée des contributions sur la faïence gréco-romaine 2000-2013, p. 341-363.

 

Constitution du cabinet numismatique du Musée gréco-romain d’Alexandrie

Éric Gady, Ernest Dutilh, premier conservateur de la collection numismatique du Musée gréco-romain d’Alexandrie (1896-1905), p. 367-383.

Éric Gady, Les chouettes du Delta et la constitution des collections numismatiques du Musée gréco-romain d’Alexandrie, p. 385-393.

 

Abréviations, p. 395-396.


 

Nicolas Amoroso prépare une thèse de doctorat  sur "la diffusion et l’intégration des formes et thèmes égyptiens dans le monde gréco-romain : regards croisés sur la conception de l’imagerie isiaque".
Directeur de thèse : Marco Cavalieri (Université catholique de Louvain).