Vandersleyen, Claude : Écrits sur l’art égyptien. Textes choisis. 480 pages, illustré n & b, ISBN: 978-2-87457-051-3, 69 €
(Éditions Safran, Bruxelles 2013)
 
Compte rendu par Renaud Pietri, Université Paul Valéry - Montpellier III
 
Nombre de mots : 1239 mots
Publié en ligne le 2014-07-31
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2065
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          Claude Vandersleyen a beaucoup publié et dans différents domaines de l’égyptologie, dont l’histoire de l’art égyptien, et ce recueil est l’occasion de regrouper ses principales contributions dans ce domaine.

 

          Le livre s’ouvre sur une préface de Nadine Cherpion (p. VII-XIII), puis se divise en deux parties. La première (p. 3-160) correspond à la traduction française de pages originellement publiées en allemand (cf. infra). La seconde (p. 163-460) est un recueil de 29 textes de Claude Vandersleyen sur l’art égyptien, provenant d’actes de colloques, d’ouvrages collectifs et de revues plus ou moins spécialisées. Viennent ensuite les abréviations, les crédits photographiques et la table des matières.

 

          La préface de Nadine Cherpion rend hommage à Claude Vandersleyen en rappelant l’importance de ses contributions, particulièrement dans le domaine de l’histoire de l’art égyptien, puis annonce le contenu de l’ouvrage, donnant à la fois un aperçu du fond et quelques commentaires sur la forme et les choix d’édition des textes recueillis, avant de terminer sur les remerciements d’usage.

 

          La première partie est elle-même divisée en deux sous-parties : une histoire de l’art égyptien, présentée de manière chronologique, de l’époque prédynastique à l’époque romaine et un essai sur la ronde-bosse du premier millénaire accompagné d’un corpus de 36 œuvres commentées. Il s’agit dans les deux cas de textes tirés de Cl. Vandersleyen et alii, Das alte Ägypten, Propyläen Kunstgeschichte 15, Berlin, 1975, respectivement p. 13-94 et p. 255-273, publiés alors en allemand et dont il est fourni ici une traduction en français, ce qui ravira ceux qui ne maîtrisent pas complètement la langue de Goethe.

 

          La premier texte de ce recueil est donc une synthèse sur l’art égyptien : époque par époque et en précisant à chaque fois le contexte historique – parfois en s’y attardant longuement –, l’auteur présente les grandes tendances de l’architecture, de la sculpture et de la peinture pharaoniques. Les différentes facettes traditionnelles de l’histoire de l’art sont abordées : technique, iconographie ou style. Le Nouvel Empire et particulièrement l’époque amarnienne occupent une place de choix mais aucune période n’est oubliée. Cette synthèse sur l’art égyptien présenté d’un point de vue chronologique est suivie d’une partie intitulée « Constantes et problèmes » qui revient sur divers aspects abordés cette fois-ci de manière plus générale : l’auteur tente d’expliquer les spécificités de l’art égyptien et détaille dans un premier temps les conventions de représentations du relief égyptien, puis s’interroge sur les causes du développement de la ronde-bosse et sa fonction en Égypte, enfin sur l’impact de la géographie et de l’environnement nilotique sur l’architecture égyptienne. Viennent ensuite quelques pages consacrées aux liens que l’Égypte a entretenu avec ses voisins orientaux et africains, d’un point de vue historique comme artistique. Pour terminer, une « histoire de l’histoire de l’art égyptien » montre comment la réception de l’art pharaonique a évolué depuis le temps de Champollion. Au final, cette première partie constitue une excellente introduction à l’histoire de l’art égyptien.

 

          L’essai sur la ronde-bosse de la Basse Époque (p. 107-119) se rapporte essentiellement à la statuaire de cette période, métallique, en pierre ou en bois, avec également quelques exemples de sarcophages ou de masques funéraires. Il s’agit d’une présentation chronologique qui couvre le premier millénaire avant J.-C., de la 21e dynastie à l’époque romaine, donnant les grandes lignes de l’évolution stylistique et thématique de la ronde-bosse égyptienne, en fournissant également quelques données sur le contexte historique, à la manière de la synthèse décrite dans le paragraphe précédent. A la suite de cette présentation se trouve le catalogue des œuvres citées (p. 120-160), chacune associée à une notice descriptive, proposant quelques éléments d’analyse stylistique et accompagnée d’une courte bibliographie.

 

          La deuxième partie regroupe 29 contributions dont 3 en anglais. Les textes choisis abordent différentes périodes, avec une prédilection pour le Nouvel Empire, et différents sujets, allant de l’histoire de la discipline à des points de méthode en passant par des études de cas, des essais portant sur des questions plus générales ou encore des contributions plus contemplatives. Ces études sont classées chronologiquement suivant leur date de parution, ce qui permet de suivre le développement des pensées de l’auteur sur certains sujets, par exemple la notion de portrait dans l’art égyptien. Les textes sélectionnés proviennent le plus souvent de revues ou d’ouvrages égyptologiques de référence et aisément consultables, quelquefois de périodiques moins connus, cette seconde publication leur assurant ainsi une meilleure diffusion. Certains sujets reviennent souvent et témoignent des préoccupations de l’auteur : outre la notion de portraits et de traits individuels dans l’art égyptien, l’usage de l’anthropométrie en histoire de l’art ou la question des « usurpations » et des statues royales retaillées à l’image d’un second propriétaire sont au centre de plusieurs études. Enfin, comme souvent en histoire de l’art égyptien, notons que la statuaire et plus largement la sculpture sont au centre de la plupart des études de cette seconde partie.

 

          En ce qui concerne le fond, la préface prévient le lecteur dès les premières pages : les contributions de Claude Vandersleyen, intentionnellement, ne comportent que de rares notes de l’éditeur, qui apportent parfois une correction, une précision ou une référence bibliographique pour compléter le texte original. L’auteur a lui-même eu l’occasion d’ajouter quelques notes supplémentaires en 2012 lors de l’édition de l’ouvrage, signalées comme telles et apportant également de petites précisions ou nuances. Ce parti pris permet de ne pas surcharger la réédition par d’innombrables ajouts bibliographiques, qu’on pourrait évidemment multiplier, certaines études portant sur des œuvres célébrissimes et qui sont régulièrement au centre de nouvelles publications. On aurait toutefois pu ajouter dans quelques cas une note pour signaler telle ou telle étude postérieure portant sur un monument précis ou apportant un nouvel élément à un débat, mais le lecteur initié saura se reporter de lui-même aux publications récentes. A titre d’exemples, le groupe statuaire CG 555 inscrit au nom de Ramsès II et dans lequel Vandersleyen voulait voir une commande originelle de Sésostris Ier (cf. p. 421-426) a récemment fait l’objet d’une étude détaillée de David Lorand qui propose pour sa part de le rapprocher plutôt de la sculpture du temps d’Amenhotep III (1) ; de même une récente étude sur la tête Salt de Christophe Barbotin propose de dater cette œuvre du Moyen Empire, contredisant ainsi la datation amarnienne évoquée par Vandersleyen (p. 452-453) (2).

 

          Du point de vue de la forme, on remarquera simplement que la partie sur la ronde-bosse de la Basse Époque est illustrée à l’aide de petites vignettes, formats réduits des planches de l’ouvrage original, qui permettent seulement de se faire une idée des œuvres sans que l’on puisse s’attarder sur les détails mentionnés dans les notices. Là encore, le lecteur intéressé pourra se reporter si nécessaire à d’autres publications et notamment à celles fournies en bibliographie. Les images de la seconde partie sont globalement de bonne qualité et permettent de comprendre les développements et descriptions de l’auteur.

 

          Ce recueil de textes de Claude Vandersleyen sur l’art égyptien atteint parfaitement le but fixé par ses éditrices, Nadine Cherpion et Ann-Laure Oosthoek, à savoir de fournir au lecteur, amateur ou spécialiste, un volume regroupant et facilitant l’accès à des contributions qui se complètent et se répondent, livrant les réflexions d’un égyptologue et historien de l’art dont certains textes restent des références. Les étudiants en particulier y trouveront une remarquable introduction à l’histoire de l’art égyptien et à certaines de ses principales problématiques, bien que les réflexions de Vandersleyen soient siennes et s’inscrivent souvent dans des débats plus larges dont il faut lire les autres contributeurs avant de se faire une opinion. Nul doute que cet ouvrage trouvera sa place dans les bibliothèques à côté du tome 2 de L’Égypte et la vallée du Nil, l’incontournable introduction à l’histoire égyptienne du même auteur.

 

Notes :

 

(1) D. Lorand, « Ramsès II “admirait“ aussi Amenhotep III. À propos du groupe statuaire CG 555 du Musée égyptien du Caire », RdE 62, 2011, p. 73-87.

(2) Chr. Barbotin, « La “tête Salt“ : un chef d’oeuvre de la sculpture égyptienne du Moyen Empire », La Revue des Musées de France. Revue du Louvre 1, 2012, p. 34-45.