Maune, Stéphane - Duperron, Guillaume (dir.): Du Rhône aux Pyrénées : aspects de la vie matérielle en Gaule Narbonnaise, II (Ier s. av. J.-C. - VIe s. ap. J.-C.), 374 p., nbr. ill., ISBN-13: 978-2907303965, 57 €
(Éditions Monique Mergoil, Montagnac 2013)
 
Compte rendu par Yves Roman, Université Lyon 2
 
Nombre de mots : 785 mots
Publié en ligne le 2014-04-23
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=2052
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          Si l’on se pique de méthode, il ne faut pas commencer la lecture de ce fort volume par son début, mais par trois articles consacrés au site de la villa de Vareilles (Paulhan, Hérault) par St. Mauné (dir.), à l’épave Arles-Rhône 14, par L. Long et G. Duperron, et à la région de Valence (Drôme) par A. Gilles. Ces trois articles font, disent St. Mauné et G. Duperron, dans leur introduction, espérer voir affinées des datations avec une précision au-delà du demi-siècle. Quoi de mieux, en effet, qu’une épave comme élément de datation d’un matériel céramique ? La datation proposée ici pour l’épave Arles-Rhône 14 (p. 162), la première moitié du IIIe siècle, repose sur un rapprochement intéressant, fait par A. Desbat, d’un médaillon d’applique retrouvé dans l’épave, qui figure un personnage revêtu du paludamentum, portant la légende AVG(usti)/EQVIT-ATV(s)/FELICIT/ER, avec une monnaie de Caracalla, qui, en 207 ap. J.-C., renvoie à une cavalcade (RIC, 97). Cette démarche, si l’on veut bien la suivre, permet de s’avancer sur le plan chronologique, pour les importations africaines que renfermait l’épave (sigillée claire B par exemple). Dans la région de Valence et la moyenne vallée de l’Hérault, « l’assemblage des céramiques dites “communes” » n’est pas le même, ce qui soulève des questions encore sans réponse, mais les deux articles constituent à n’en pas douter une pierre d’attente pour l’avenir.

 

          Ensuite, le lecteur peut « remonter » aux deux premiers articles, consacrés à Nîmes, par S. Barberan, et à Narbonne par G. Maza et T. Silvino, qui permettent d’intéressantes confrontations avec certaines démarches de sociologues. Car, pour un sociologue, la pertinence de la question « dis-moi ce que tu manges et je te dirais qui tu es » ne se discute pas. Ici le résultat est clair : maintien des traditions culinaires autochtones à Nîmes, ville indigène rapidement romanisée, et traditions italiques à Narbonne, ville de colons venus d’Italie. Ou, plus exactement, « décalage » (S. Barberan, p. 58) entre Nîmes et Narbonne dans les pratiques culinaires. Voilà qui est d’un grand intérêt, même si cela ne fait que confirmer la personnalité différente des deux villes, déjà perceptible par l’onomastique. Mais, si l’on relie cela, avec « l’affinage » des chronologies proposé plus haut, peut-on, allant plus loin, espérer mettre en évidence un jour un processus de romanisation par modification dans le temps des pratiques culinaires ? Pour prendre un exemple, l’intégration à La Réunion, d’après les anthropologues et les sociologues, va de pair avec un usage évolutif et régressif des piments, notamment le « safran des Indes », le cari (voir M.-O. Gonseth, « Autour du cari : cuisine et identité à La Réunion dans J. Hainard, R. Kaehr, Dire les autres. Réflexions et pratiques ethnologiques. Textes offerts à Pierre Centlivres, Lausanne, Payot Lausanne, 1997, p. 223-236). Alors, pour prendre un exemple, le bouilli à la romaine peut-il être mis en évidence, comme processus de romanisation ?

 

          Le lecteur achèvera son parcours, comme il est normal, par deux études consacrées à l’Antiquité tardive, culture matérielle pour le site de La Reille à Montbazin (Hérault) étudié par G. Duperron, R. Bourgaut, Cl. Leger, et abandon pour le site de Constantine (Lançon-de-Provence, Bouches-du-Rhône), étudié par G. Duperron, et saluera, comme St. Mauné et G. Duperron (p. 8), la mémoire de Jean-Luc Fiches, récemment disparu.

 

          Selon la formule consacrée, cet ouvrage rendra service à qui s’intéresse aux problèmes de datation, d’un point de vue statigraphique ou typologique, aux questions d’alimentation et, plus généralement, à la vie matérielle en Gaule du Sud.

 

 

Sommaire

 

Avant-propos (7-9)

Sébastien Barberan
Contribution à l’étude du faciès céramique de la période tardo-républicaine et du début du règne d’Auguste à Nîmes (Gard). La fouille préventive de la place de la Maison Carrée (1990-1991) (11-62)

Guillaume Maza, Tony Silvino
Nouveaux ensembles d’époque augustéenne de Narbonne antique : « rats des villes » (19/20 quai d’Alsace) et« rats des champs » (Saint-Hippolyte, La Coupe III) (3-82)

Stéphane Mauné, avec la collaboration de Thierry Blanco, Guillaume Duperron, Séverine Corbeel et Charlotte Carrato
L’ensemble céramique 8614 et la question de l’abandon de la villa de Vareilles (Paulhan, Hérault) à la charnière des IIe et IIIe s. ap. J.C. (83-124)

Luc Long, Guillaume Duperron,
avec la coll. de Michel Bonifay, Claudio Capelli, Armand Desbat et Claire Leger
Navigation et commerce dans le delta du Rhône : l’épave Arles-Rhône 14 (IIIe s. ap. J.-C.) (125-167)

Amaury Gilles
La production et la consommation des céramiques dans la région de Valence (Drôme) au IIIe s. Nouveaux éléments et perspectives (169-200)

Guillaume Duperron, Ronan Bourgaut, Claire Leger,
avec la coll. de Marie-Laure Berdeaux-le Brazidec et Samuel Longepierre
Deux ensembles de mobiliers tardo-antiques de l’établissement rural de la Reille à Montbazin (Hérault) (201-239)

Guillaume Duperron
Le mobilier céramique tardo-antique (Ve et VIe s.) de l’oppidum de Constantine (Lançon-Provence,
Bouches-du-Rhône) (241-375)