| Lert, Mylène - Bois, Michèle - Blanc-Bijon, Véronique - Bel, Valérie : Atlas topographique de la ville antique de Saint-Paul-Trois-Châteaux, 211 p. (coll. Revue archéologique de Narbonnaise, supplément 39) 65 euros ; ISBN : 978-2-9528491-2-8 ; (RAN 2010)
| Compte rendu par Yves Roman, Université Lyon II Nombre de mots : 1039 mots Publié en ligne le 2010-09-27 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1115
Dix ans après la publication de
l’atlas de Fréjus (2000), qui faisait suite à celle de l’atlas
d’Aix-en-Provence (1998), l’atlas topographique de Gaule méridionale poursuit
sa publication, sous la direction de Marc HEIJMANS, avec un magnifique volume
consacré à Saint-Paul-Trois-Châteaux, sous la signature de Mylène LERET
(conservatrice du musée d’archéologie tricastine), de Michèle BOIS
(Archéodrôme), de Véronique BLANC-BIJON (Centre Camille Jullian) et de Valérie
BEL (INRAP). L’entreprise, mise en place par Paul-Albert FÉVRIER et Jean GUYON,
est désormais bien inscrite dans le paysage de la recherche, ayant reçu une
sanction normative qui vaut pour ce volume et ceux qui sont à venir, le tout
étant « calé » sur des feuilles à l’échelle du 1000e, les
plans d’assemblage étant au 1/5000e (1/10 000e pour les
villes très étendues).
Le lecteur qui ouvre ce très bel
ouvrage sera immédiatement frappé par l’extrême qualité des illustrations,
qu’il s’agisse de photographies en noir et blanc ou en couleurs, de dessins au
trait, ou de cartes. Il est parfaitement clair que, comme les précédents
volumes, celui-ci n’aurait jamais vu le jour sans une aide massive des
collectivités nationales et territoriales (Ministère de la Culture, INRAP,
Ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Conseil Général de la Drôme, Conseil
Général de l’Isère, Région Rhône-Alpes, Région Provence-Alpes-Côte d’Azur) et
universitaires (Centre Camille Jullian, CNRS-Université de Provence), sans
oublier le Pays Une autre Provence (créé selon la loi d’orientation pour
l’aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999, dite
loi Voynet).
A priori, il pouvait sembler audacieux de vouloir, d’une manière
plus grandiose sans doute, remplacer l’ouvrage, paru en 1992, de Thierry ODIOT,
Valérie BEL, Michèle BOIS, D’Augusta
Tricastinorum à Saint-Paul-Trois-Châteaux
(Drôme), Lyon, DARA n° 7. Une
quarantaine d’opérations archéologiques nouvelles, ayant produit une foule
d’informations, justifient toutefois pleinement cette publication.
La démarche est désormais très
clairement posée et vise à l’exhaustivité. Elle « permet autant de mettre
à plat les vestiges sur une cartographie normalisée, que d’inventorier,
hiérarchiser et analyser toutes les découvertes archéologiques faites », dans
un passé récent ou lointain. Cette recherche de toute la documentation
disponible passe, très normalement, par un long, un très long travail
d’archives et de bibliothèques, à propos de documents variés, cartes, plans,
photographies, notes manuscrites, publications de divers types. Mais il est
temps d’en venir à l’analyse ici conduite, c’est-à-dire aux résultats. La
recherche commence donc par une analyse (trop rapide ?) du cadastre
antique d’Orange, notamment dans sa partie B, qui couvre une grande partie du
territoire des Tricastini. Ce
document exceptionnel valait bien cela. Elle se poursuit par l’examen du cadre
naturel, avec cette question permanente de la relation entre le cadre naturel
précisément et les matières premières régionalement disponibles. Voilà qui
explique sans doute la place de ce III. Le cadre naturel, venant après un II.
Éléments de cartographie antique, étant entendu que dans ce chapitre III une
large place a été faite aux avancées rendues possibles en matière de paysages
et d’agriculture par les analyses polliniques. Cela dit, en cette matière, on ne
saurait oublier les effets indirects de ce grand prédateur qu’est le TGV, plus
exactement la construction de lignes TGV, qui ont amené, par exemple, à cette
photographie de la page 21, qui, grâce à des éventrations ferroviaires,
illustre la découverte, véritablement passionnante, de fosses de plantation de
vignes antiques découvertes en 1996 à Lapalud, par la grâce du
TGV-Méditerranée. Ces digressions ferroviaires introduisent finalement le
lecteur dans une démarche discursive, prodigieuse, parce qu’illustrée. À
l’image des enfants, qui, autrefois, ayant reçu leur livre d’histoire,
commençaient par en examiner les illustrations, le lecteur finit par parcourir,
une première fois, l’ouvrage de cette façon. La faute aux auteurs,
naturellement, qui ont réuni une documentation illustrée, mais pas uniquement
on va le voir, tout à fait prodigieuse. L’Antiquité est même oubliée à la page
21, avec une carte provenant du Vatican. Les couleurs sont magnifiques et l’on
voit là une belle illustration de la description de la ville par Aymar DU
RIVAIL, jurisconsulte dauphinois : « la ville médiévale est à peine
esquissée, dominée par la croix marquant symboliquement la présence
chrétienne ». Saluant plus loin, tout à la fois la carte de Cassini (p.
28) et ce portrait extraordinaire de Louis ALBE, marquis de Roquemartine, comte
de Saint-Paul-Trois-Châteaux, a qui est dédié la première monographie moderne
concernant la ville par le père L.-A. BOYER DE SAINTE-MARTHE, qui, faisant sa
cour, vante « la beauté de sa face », à l’évidence une face d’évêque
mondain. Plus loin, la rencontre est d’une tout autre nature avec
Louis-Christophe-Auguste (plus connu sous ce dernier prénom) ALLMER. Le
personnage est attachant, le savant exceptionnel. ALLMER fut un de ceux qui
permirent à l’épigraphie latine de s’enraciner en France, notamment dans le
Sud-Est. Il devait publier (en grande partie à ses frais) une petite revue d’Épigraphie du Midi de la France
(fondée en 1878). Or ce grand savant, mort dans la misère quai Claude Bernard à
Lyon en 1899, était… percepteur et conçut sa tâche épigraphique dans la
tradition d’une partie de sa famille, comme un soldat : « Ainsi que
ces soldats de fortune à qui un lambeau de pourpre, jeté sur les épaules par
leurs compagnons d’armes, imposait de force le périlleux honneur d’un principat
inattendu, élevé par le hasard à un rôle supérieur à nous-même, nous dûmes
associer au crayon du lithographe la plume du commentateur… nous procurer des
ouvrages d’épigraphie, en un mot, nous improviser savant » (A. ALLMER et
A. De TERREBASSE, Inscriptions antiques et du Moyen-Âge de Vienne en Dauphiné, t. I-IV,
Inscriptions antiques antérieures au VIIIe siècle, Vienne, 1875-1876,
t. I, p. V). Curieusement sa notice fait face à celle de la famille VALLENTIN
devenue en 1898 VALLENTIN DU CHEYLARD, famille de juristes, importante dans la
moyenne vallée du Rhône, par la valeur des collections rassemblées, notamment
d’objets antiques de bronze. On passe ensuite aux données textuelles (qui
auraient pu être mises plus haut), pour en venir, enfin, à la matière
principale de cet ouvrage, avec Les
feuilles de l’Atlas de Saint-Paul-Trois-Châteaux, qui sont au nombre de
sept (I. Quartier de la Libération. II. Le centre. III. Quartier des Lavandes.
IV. Quartier des Sablières. V. Quartier de l’ancienne gare. VI. Quartier du
valladas. VII. Abords de la ville), avec une présentation normalisée (Enceinte,
monuments publics, habitations…) suivie d’une interprétation. Celles-ci sont
ensuite reprises et développées dans une troisième partie (Synthèse générale)
qui traite de l’ensemble des sujets : I. Limites urbaines et enceinte. II.
Voirie et urbanisme. III. Les aménagements hydrauliques. IV. Monuments publics.
V. Habitations. VI. Artisanat, commerce et activités agricoles. VII. Espaces
funéraires. VIII. Le devenir d’Augusta
Tricastinorum. Antiquité tardive et Moyen Âge.
On le voit aisément, il s’agit
d’un ouvrage exceptionnel, avec un seul regret pour ce volume magnifique, qui
représente un labeur acharné, la maigreur des conclusions historiques sur le
destin d’Augusta Tricastinorum, sauf
dans l’Antiquité tardive et au Moyen Âge.
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