Consalvi, Francesco: Il Celio orientale. Contributi alla Carta Archeologica di Roma. Tavola VI settore H.
CD + carta archeologica allegati. 140 pp., 52 ill. in b/n. 24x31. Brossura. ISBN 978-88-7140-415-8. € 52,00.
(Edizioni Quasar, Roma 2009)
 
Compte rendu par Yves Perrin, Université Jean Monnet, Saint-Etienne
 
Nombre de mots : 1325 mots
Publié en ligne le 2010-03-29
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1032
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          Comme le précisent ses titre et sous-titre, ce  volume de 136 pages est une contribution au projet en cours de gestation de l’Istituto Nazionale di studi Romani pour établir une carte archéologique de Rome qui remplace la remarquable Forma Urbis Romae de R. Lanciani maintenant plus que séculaire. Afin de mener le projet à bien, ses responsables scientifiques ont choisi de couvrir l’Urbs avec une grille géométrique dont les cases subdivisées en  parcelles dûment numérotées sont sans rapport avec la topographie ou l’urbanisme. Publier un volume spécifique sur une de ces « tesselles » peut donc sembler a priori artificiel. C’est pourtant le choix de F. Consalvi qui consacre un livre au « secteur H » de la « parcelle VI », une aire de plan carré du Caelius oriental de 600 mètres de côté dont la villa Wolkonski occupe l’angle nord-est et l’ensemble ecclésiastique du Latran l’angle sud-ouest.

 

          Isolée des zones qui la jouxtent, l’aire ainsi définie n’a pas de personnalité topo-historique évidente. Fort heureusement, l’auteur étend son travail à l’est du « secteur H » pour prendre en compte l’ensemble des vestiges archéologiques fossilisés sous le complexe épiscopal de Saint-Jean de Latran, ce qui instille dans sa publication un élément partiel de cohérence et en somme la justifie. Celle-ci n’est pas mal venue : la connaissance de cette zone réputée marginale est partielle et ancienne (A. M. Colini, Storia e topografia de del Celio nell’antichità, MPAA, 7, 1944, demeure fondamental), mais a été renouvelée récemment (travaux notamment de P. Liverani, C. Pavolini et F. Guidobaldi).

 

          Ceci dit, il est difficile de parler d’une monographie ou d’une synthèse au sens habituel du terme. Il s’agit plutôt d’un ensemble de contributions dont l’ordonnancement général est pragmatique. Pour la commodité de la présentation, on distinguera trois grandes parties successives.

 

1) Les 37 premières pages replacent le volume dans le cadre collectif qui est le sien – la cartographie de Rome – (p. 11-13), donnent une importante bibliographie (p. 17-32) et précisent les intentions et choix scientifiques de l’auteur (p. 35-37).

 

2) Les 50 pages qui suivent sont divisées en quatre chapitres de statut inégal : les deux premiers (p. 41-49 et 53-60) rappellent les données géologiques et morphologiques de la zone et replacent sa cartographie dans une perspective historique en donnant une illustration très significative (de la carte de Buffalini de 1551 à une photo aérienne de 1937 en passant  notamment par Nolli [1748] et les plans d’aménagements des années 1900). Le troisième chapitre (p. 63-67) porte sur le réseau viaire (le tracé des voies, en particulier de la via Caelimontana et de la « via Tuscolana » est défini par le relief).

Confrontant données archéologiques et sources textuelles, le quatrième chapitre esquisse une synthèse de topographie historique qui constitue pour l’historien la partie la plus intéressante. On suit l’histoire de la zone du VIIe siècle avant J.-C. au IVe siècle après. Hors des murs et du pomerium, cet espace aux marges de la ville abrite des nécropoles et des exploitations agricoles depuis sa première occupation jusqu’au Ier siècle après J.-C. (et même jusqu’à Hadrien). La fixation des tracés de la via Caelimontana et des aqueducs à l’époque médio-républicaine commence à structurer l’espace. Au cours du Ier siècle, belles domus et horti succèdent aux nécropoles, le quartier s’urbanise, sa trame se régularise. Le processus se poursuit au Haut-Empire avec la construction de la branche caelimontane de l’Aqua Claudia et l’édification de belles domus (notamment les deux qui occupent le site de la basilique Saint-Jean, qui sont réunies en un seul ensemble à la fin du IIe siècle). La construction d’une caserne destinée aux equites singulares sous Trajan modifie la vie et le paysage de ce quartier résidentiel. Cette mutation s’amplifie en 193-196 lorsque Septime Sévère édifie les castra nova à la place des domus du site de la basilique Saint-Jean en les articulant vraisemblablement avec la résidence impériale des Horti Spei Veteris.

La fin du IIIe siècle et l’époque constantinienne voient de profondes évolutions. Le mur d’Aurélien  définit très concrètement l’aire urbaine ; Constantin intervient personnellement dans la construction de la première basilique chrétienne à la place des castra nova. Que son statut soit privé ou public, la basilique est en relation avec la résidence impériale du Sessorium. Naît un quartier ecclésiastique qui va traverser les siècles jusqu’à aujourd’hui dans un environnement en voie d’abandon ou plutôt de « désurbanisation » à partir du VIe siècle.

 

3) Les 43 dernières pages (p. 93-136) donnent un catalogue des vestiges connus avec les principales références bibliographiques et un certain nombre de plans (notamment de relevés réalisés à main levée au moment des découvertes).

 

          L’ouvrage est bien présenté et illustré de photographies et de relevés anciens et récents. Un système de numérotation des vestiges permet de les situer assez aisément sur la carte générale donnée sous forme imprimée et sur un CD (dont l’intérêt ne paraît pas primordial). Un index n’aurait pas été mal venu, mais la remarque est mineure. Le lecteur trouve donc une information archéologique complète sur le « secteur H » de la case VI de la grille préparatoire à la carte archéologique de Rome. Dans le cadre de ce vaste projet de cartographie, le but de la publication est sans doute atteint et on ne peut qu’apprécier de disposer ainsi d’un livre commode sur une zone dont de grands pans d’histoire sont mal connus.

 

          L’archéologue et surtout l’historien sont cependant un peu frustrés : la publication est moins une synthèse qu’une récapitulation un peu énumérative de ce qui est connu. On n’y trouve guère d’informations nouvelles et les vestiges a priori sans intérêt pour la cartographie ne sont pas détaillés. Les fragments de peinture étudiés par T. A. M. Mols et E. Moorman (cités dans la bibliographie) sont par exemple simplement mentionnés au passage et on aimerait savoir quelles indications ils fournissent - même si elles sont grossières - sur la chronologie et l’histoire des domus dont ils proviennent.

 

          Les limites spatiales de l’étude n’étant pas définies par la topographie et l’histoire, les analyses ne peuvent qu’évoquer les problèmes de topographie historique sans les approfondir. Certes, en l’état des connaissances, il est sans doute impossible de brosser un tableau détaillé de l’histoire séculaire du Caelius oriental et on ne saurait reprocher à l’auteur de ne pas s’y essayer, mais le recensement auquel il se livre semble propice à l’enrichissement au moins ponctuel d’un certain nombre de questionnements de nature chronologique (ne peut-on dater un peu plus précisément le premier tracé de la via Caelimontana sommairement assigné à l’époque médio-républicaine ? La branche célimontane de l’Aqua Claudia est-elle claudienne ou néronienne ? L’incendie de 64 et les mesures qui le suivent sont-ils déterminants ?). Le cadre topographique artificiellement imposé ne permet pas d’alimenter des questions historiques plus vastes (Quid des limites des régions II et V du découpage augustéen ? Ou de celles de l’Urbs et du suburbium ? ) ou celle, fondamentale, de l’appropriation impériale de la zone (contrôle des aqueducs, filiation entre les propriétés de l’élite romaine et les résidences princières, articulation de celles-ci avec les casernes puis avec la basilique chrétienne).

 

          Comme le souligne F. Consalvi, la confrontation des données archéologiques et des sources littéraires n’est réellement possible que pour l’aire du groupe épiscopal de Saint-Jean et les zones qui le jouxtent immédiatement, sans permettre cependant une identification assurée des vestiges. De ce point de vue, l’auteur rappelle opportunément les discussions qui roulent sur l’Aedes Lateranum et la – les – domus des Laterani de l’époque julio-claudienne (et plus précisément néronienne), antonine et sévérienne, sans apporter de réponses décisives, à vrai dire impossibles à formuler en l’état de la recherche, sauf sur deux points : les horti de Domitia Lucilla mineure, la mère de Marc Aurèle, peuvent être plausiblement situés sur le site de l’hôpital Saint-Jean et le toponyme Latran – au sens moderne – apparaît au IIIe siècle, voire au IIe.

 

          Au total, l’ouvrage fournit une information scientifique de qualité, mais il souffre de l’ambiguité de son statut, dont l’auteur n’est pas entièrement responsable : c’est l’une des premières tesselles d’une mosaïque cartographique en devenir, une contribution à un work in progress.